Comment représenter ? Face à l’épouvantable et massive boucherie, comment témoigner ? Comment continuer à peindre après ? Pour dire quoi ?
Même après la guerre, Dix ne désarme pas
Les croquis, cartes postales et aquarelles prolongés jusque dans les années 1920 par Otto Dix (1891-1969) sont de ceux qui bouleversent et livrent un véritable reportage de guerre. Dix, le soldat exemplaire, le témoin lucide, dessine sans discontinuer sur le front qu’il a rejoint comme volontaire dès août 1914. Champagne, Somme, Nord, Flandres, il est en première ligne.
Plus tard dans les années 1920, alors que l’Allemagne est déjà tentée par une relecture patriotique de la Grande Guerre, Dix ne désarme pas. Il reprend au plus près de la chair, l’horreur et le quotidien de la guerre. Il a tout vu. À la demande de son marchand, il grave un exceptionnel portfolio, Kriegsmappe, publié en 1924. La figuration véhémente de Dix a trouvé ses marques.
Parmi la série, ce Cadavre dans les barbelés (Flandres), des crânes où grouille la vermine, des scènes d’assaut et déjà quelques visages détruits, corps mutilés ou rafistolés. Les planches réalisées de mémoire mêlent scènes de combat réalistes aux compositions symboliques et spectaculaires.
Dans le même temps, Dix affûte un trait qui désormais grince, hachure, tranche, impitoyable de réalisme. L’aquarelle criarde Moi à Bruxelles le montre soldat, visière, poing sur la hanche et cigarette aux lèvres, à la suite d’une prostituée jupe retroussée. Dix ne dénonce pas, il montre.
Pour Grosz, le combat devient social et politique
En revanche, George Grosz (1893-1959), lui, accuse. Il se porte volontaire en 1914 par dégoût de la culture bourgeoise mais, malade et psychologiquement meurtri, il est rapidement dispensé de front. Ce sont les années d’immédiat après-guerre durant lesquelles il s’engage auprès des révolutionnaires qui seront pour Grosz l’occasion de développer son talent de satiriste.
L’album des Brigands (Die Räuber), un bref recueil de lithographies croquées en 1922, brocarde sans pitié la bourgeoise et immorale république de Weimar ou « l’incroyable laideur de l’Allemagne ». La série se met comme toujours chez Grosz au service du combat politique. Ce sont les vainqueurs de la guerre : ici un gros et rustre patron, cou épais, œil vitreux, sourire satisfait et gros cigare sur la braguette qui se dissocie d’un second plan très graphique où on devine bâtiments et labeur ouvriers.
En 1927, Grosz mettait encore son trait aigu au service de sa haine du renouveau militariste. Soldats chargeant, ou la grotesque composition de bêtes avides piétinant leurs propres entrailles. « Fixer à jamais le ridicule et le grotesque du monde des petites fourmis industrieuses et dévastatrices qui m’entourait », ainsi Grosz résume-t-il l’objet de ses dessins.
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Otto Dix et George Grosz : le témoin lucide et le combattant politique
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°598 du 1 janvier 2008, avec le titre suivant : Otto Dix et George Grosz : le témoin lucide et le combattant politique