1/ Femme couchée qui rêve, bronze, 1929. L’année 1929 est décisive pour Alberto Giacometti. Il expose à plusieurs reprises avec succès, Michel Leiris signe un premier long article de référence sur son travail et le jeune artiste confirme son entrée dans le giron cadré du surréalisme. Le voilà pour la première fois en phase avec l’avant-garde.
La Femme couchée qui rêve incarne l’une des premières solutions trouvées par Giacometti pour ouvrir littéralement le bloc sculpté ; subsiste l’intérêt que le sculpteur porte aux arts africains et cycladiques, mais Giacometti opte désormais pour des « objets à fonctionnement symbolique ».
Le dispositif horizontal et onirique – prélude aux cages à venir – superpose deux plans parallèles ondulés reposant sur le vide et barré de lignes obliques. Entre objet et représentation, les éléments biomorphiques ou schématisés poussent la figure féminine aux lisières de l’abstraction. Rythme fluide et lignes de force, c’est à l’espace de profiler la sculpture.
2/ Tête de Simone de Beauvoir sur double socle, plâtre peint, 1946. Après-guerre, Giacometti s’est à nouveau converti au réel. Suivant l’intuition avisée de Giacometti, marchands et écrivains commentateurs sont renouvelés. Après Michel Leiris et André Breton, c’est à Jean-Paul Sartre puis Jean Genet dès 1957 de se charger de l’exégèse et de réformer profondément l’interprétation de l’œuvre.
Le sculpteur est présenté au philosophe par Simone de Beauvoir durant l’Occupation. « Le point de vue de Giacometti, écrit Simone de Beauvoir en 1960, rejoignait celui de la phénoménologie, puisqu’il prétendait sculpter un visage en situation, dans son existence pour autrui, à distance, dépassant ainsi les erreurs de l’idéalisme subjectif et celles de la fausse subjectivité. »
3/ Yanaihara de profil, huile sur toile, 1956. Isaku Yanaihara, ami de l’artiste, philosophe et poète japonais, commence à poser à l’automne 1956. Le modèle ne dispose alors que de huit jours. La série se prolongera finalement en épisodes réguliers jusqu’en 1961 et inaugure une période difficile pour la peinture de Giacometti. Préoccupé par des exigences inflationnistes de « ressemblance », l’artiste voit son sujet réduire et s’abolir dans la toile. « Si je veux copier comme je vois, ça disparaît », se souvient Giacometti. Et d’ajouter : « Plus ça allait et plus il disparaissait. »
Angoisses et découragement pour l’un, longues et patientes heures de pose pour l’autre. En résulte un Yanaihara qui paraît se retirer de la toile. Bien qu’absorbé ou dissout dans une étendue de gris, sa version de profil – rarement montrée – semble prendre le cadre et les griffures appuyées du dessin pour tenir bon et resurgir.
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Objets à fonctionnement symbolique ou figures du réel, trois manières d’aborder la sculpture
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°596 du 1 novembre 2007, avec le titre suivant : Objets à fonctionnement symbolique ou figures du réel, trois manières d’aborder la sculpture