Art contemporain

À Nice, paroles de fleurs

Par Itzhak Goldberg · Le Journal des Arts

Le 6 avril 2023 - 471 mots

NICE

« Devenir fleur », une exposition de saison qui s’impose à Nice, une ville réputée pour son carnaval fleuri.

Nice. Des fleurs ? Si vous voulez uniquement admirer leur beauté, un jardin botanique fera l’affaire. Mais si vous souhaitez suivre les différentes manières selon lesquelles les artistes appréhendent le monde végétal pour exprimer leurs préoccupations – qui sont également les nôtres –, mieux vaut visiter l’exposition « Devenir fleur » du Musée d’art moderne et d’art contemporain de Nice. Le plaisir visuel et sensuel n’est évidemment pas absent de cette pertinente manifestation organisée par Hélène Guenin, directrice du lieu, et par Rébecca François, conservatrice au musée.

La première section « Être fleur » s’ouvre sur une salle consacrée à Marinette Cueco (née en 1934) pour qui des éléments végétaux, souvent minuscules, ramassés ou cueillis, tressés, tricotés ou noués, deviennent la matière constituante de sa production. Tout laisse à croire que la langue des plantes est son propre langage, en quelque sorte son langage naturel. Ailleurs, Gabriel Orozco (né en 1962) propose une œuvre d’une poésie infinie : des roseaux sur lesquels l’artiste a greffé des plumes d’oiseau, gommant ainsi toute distinction entre animal et végétal (Roiseau 6, 2022). Dans la partie « Jardin des métamorphoses », une mini-île éphémère, réalisée par Nils Udo (né en 1937) avec des narcisses, forme une tache jaune posée sur la mer Baltique (Mille Narcisses, 1994).

Toutefois, le regard qui s’attarde, aidé par des textes pédagogiques d’une clarté exemplaire, découvre que pratiquement chaque œuvre évoque un enjeu essentiel : historique, anthropologique, sociologique ou politique. Pour les artistes, les fleurs sont des témoins qui partagent notre existence. Des témoins vivants, des êtres avec lesquels ils traitent d’égal à égal. Hybridations, métamorphoses, le dialogue peut prendre des dimensions étonnantes comme ces étreintes d’une sensualité torride entre de beaux éphèbes et des arbres (Zheng Bo, Pteridophillia 1, 2016).

Témoins des catastrophes de ce monde

Cependant, le plus souvent, les œuvres évoquent des situations nettement moins idylliques. Ainsi, dans la section « Botanique du pouvoir », l’artiste turque Fatma Bucak (née en 1984) fait voyager, à l’aide d’un réseau quasi clandestin, la rose de Damas, disparue en Syrie depuis la guerre. Ici, greffée sur des rosiers locaux, elle retrouve une vie, mais bien loin de ses origines (Damascus Rose, 2016-2022). Laurence Aëgerter (née en 1972) invite des habitants d’une ville des Pays-Bas à déposer des plantes sur des photographies qui représentent différentes catastrophes, une manière thérapeutique de guérir des blessures ouvertes (Plantes curatives pour paysages blessés, 2015). Plus dramatiques encore : les photogrammes réalisés par Anaïs Tondeur (née en 1985), composés d’empreintes de plantes, collectées par des scientifiques aux environs de Tchernobyl (Tchernobyl Herbarium, 2011-2023). Ces images sont obtenues par la lumière mais aussi par la radioactivité contenue dans les corps des plantes et qui irradie les images. Ces vanités à l’ère atomique annoncent-elles d’autres catastrophes à venir en Ukraine ?

Devenir fleur,
jusqu’au 30 avril, Musée d’art moderne et d’art contemporain, Mamac, place Yves-Klein, 06364 Nice.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°608 du 31 mars 2023, avec le titre suivant : Paroles de fleurs

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