Art moderne - Art contemporain

XXE SIÈCLE / EXPOLOGIE

Nice confronte Matisse et Klein dans une dimension purement formelle

Par Élodie Antoine · Le Journal des Arts

Le 2 janvier 2025 - 459 mots

Le rapprochement entre les deux artistes est très convaincant lorsqu’ils célèbrent le corps en mouvement.

Nice. Deux institutions niçoises, le Musée d’art moderne et d’art contemporain (Mamac) et le Musée Matisse, ont entamé un projet de recherche sur Henri Matisse (1869-1954) et Yves Klein (1928-1962). L’exposition « Le pouvoir bouleversant de la couleur », première phase de cette recherche, prend la forme d’un « face à face » entre deux monstres sacrés. Pour les commissaires (Hélène Guenin et Aymeric Jeudy), il ne s’agit pas de montrer l’influence d’Henri Matisse sur Yves Klein. L’exposition vise essentiellement à identifier, en cinq étapes, les possibles rapprochements formels entre les deux artistes.

Prenons trois exemples pour l’illustrer. La première étape « Ciels primitifs, architecture moderne » met l’accent sur la dimension monumentale des deux œuvres et l’utilisation de l’architecture comme support et cadre de celles-ci. Les photographies d’Henri Matisse au travail sur La Danse (1930-1933) (voir ill.) réalisée pour la Fondation Barnes et d’Yves Klein sur le chantier de l’Opéra-théâtre de Gelsenkirchen (1958-1959) montrent, avec justesse, deux créateurs travaillant à grande échelle. Selon les commissaires « ils se rejoignent dans leur volonté d’étendre la surface de leur œuvre et de faire vivre au spectateur une expérience spirituelle ». Le passage de la toile à la « peinture architecturale » témoigne bien de leur désir commun de dépassement des limites du tableau. En revanche, la dimension spirituelle semble moins évidente chez le Matisse de 1933 que chez l’inventeur de l’IKB – selon lui « la couleur au plus haut degré d’absolu ».

La seconde étape, « Au-delà du motif », confronte la radicalité picturale des papiers gouachés découpés de Matisse avec les « propositions monochromes » d’Yves Klein. Ce point de convergence formel et technique entre les deux pratiques artistiques est ici bien illustré par la présentation de la Danseuse créole (1950) de Matisse et de Monochrome sans titre (IKB Godet) (1958) d’Yves Klein. On peut seulement regretter que ces derniers ne soient pas confrontés plus directement dans l’exposition.

Enfin, la section « Modernisme et tradition » tente de démontrer une approche similaire de la sculpture par l’équivalence des sources d’inspiration : LaVictoire de Samothrace ou encore L’Esclave mourant de Michel-Ange. Leurs interprétations sculpturales en sont pourtant très différentes : Matisse invente, synthétise (Petit Torse mince, 1929), Klein, lui, développe une logique appropriationniste propre à sa génération (Victoire de Samothrace (S9), 1962). Si cette confrontation est moins convaincante, celle d’Anthropométrie sans titre (ANT 84) (1960) de Klein avec le Nu bleu IV (1952) de Matisse, elle prend tout son sens. Cependant, on aurait attendu que la Danse de Barnes et la série des Acrobates aient, dans l’exposition, une présence plus forte et directe aux Anthropométries afin de rendre plus évidente la célébration du corps en mouvement. Ce véritable point de convergence entre les deux artistes apparaît comme une piste de recherche fertile.

Le pouvoir bouleversant de la couleur. Contrepoint Yves Klein dans les collections du Musée Matisse,
jusqu’au 14 avril 2025, Musée Matisse, 164, avenue des Arènes-de-Cimiez, 06000 Nice.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°646 du 3 janvier 2025, avec le titre suivant : Nice confronte Matisse et Klein dans une dimension purement formelle

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