Dans son exposition au Mrac de Sérignan intitulée « Développement durable », le jeune artiste franco-algérien Neil Beloufa poursuit son inventaire des clichés et des structures de pouvoir qui sous-tendent notre société.
« J’ai choisi ce titre assez rapidement, confie l’artiste, parce que le terme est omniprésent et parce que j’aime son ambiguïté, sa façon de suggérer en miroir une situation violente – notamment du fait qu’elle est principalement utilisée par ceux qui en génèrent la nécessité. » Comme à son habitude, cette étoile montante de la scène contemporaine propose un gigantesque dispositif bricolé. De part et d’autre d’une construction qui ressemble autant à un bar qu’à un comptoir de douane, deux films sont diffusés. L’un donne à voir des échanges entre des soi-disant acteurs (politiques, économiques, sociaux…) de divers pays, qui sont en fait des comédiens amateurs. La nécessité de la guerre, la supériorité de l’économie sur la culture, la défense des intérêts nationaux… des poncifs populistes sont avancés avec aplomb, mettant le visiteur dans la situation inconfortable de ne pas vraiment savoir de quoi ni de qui il s’agit. Ce n’est que peu à peu qu’on en vient à douter du sérieux de la situation. Même sensation d’inconfort dans l’autre vidéo, qui montre des enfants qui, tout en buvant de l’alcool, se partagent le monde au Monopoly. Les diverses pièces alentour n’en sont pas moins ambiguës. Des capsules noires au sol font penser à des espaces de sommeil futuristes, à moins que ce ne soit des abris de secours… On retrouve aussi les polyimages polytexturées auxquelles l’artiste nous a habitués et dans lesquelles il recycle cartons de pizzas et packs de boissons consommés dans son atelier, de même qu’il customise des machines de Nescafé et des chiens en plastique, le tout relié par des fils électriques. Le circuit se boucle sans que nous sachions vraiment s’il s’agit d’une dystopie ou de notre réalité mise à nu.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°705 du 1 octobre 2017, avec le titre suivant : Neil Beloufa dévoile nos ambivalences