Peinture Contemporaine - Fallait-il la programmer, cette exposition sur la « vitalité de la jeune peinture figurative française » ? Ou ne le fallait-il pas, comme le disent certains ? Pour ses contempteurs, exposer les peintres actuels reviendrait, dans le meilleur des cas, à les enfermer dans un ghetto ; dans le pire, à mettre un coup de projecteur sur une pratique anachronique : la peinture.
Pour ses défenseurs, il s’agit au contraire de montrer que cette dernière n’est pas « morte » avec Marcel Duchamp, et qu’elle fait toujours sens. Voilà pourquoi les trois commissaires d’« Immortelle », Numa Hambursin, Amélie Adamo et Anya Harrison, parlent d’une exposition de « combat » ; une exposition ambitieuse (plus de 120 peintres pour plus de 300 œuvres) au titre manifeste (« Immortelle »), programmée dans deux lieux de Montpellier (au Mo.Co., pour les peintres nés dans les années 1970, et à la Panacée, pour ceux nés après 1980). De fait, en France, la peinture a bel et bien été ostracisée par les institutions et les galeries prescriptrices dans les années 1990 et 2000, au profit des installations, de la vidéo et la photographie. Les écoles des beaux-arts, où il ne faisait plus bon peindre, n’ont pas été épargnées. Tous les artistes formés dans ces années-là disent leur difficulté à prendre le pinceau, quand ils n’ont pas été découragés de le faire… Étonnamment, c’est dans cette adversité que s’est construite la première génération, fertile terreau de la peinture dite « contemporaine ». Il est criant de voir que les plus de 90 artistes rassemblés au Mo.Co. ont opposé au rejet de la peinture un désir de peindre, voire de bien peindre. S’ils ont digéré les tendances de la Figuration libre ou de la bad painting, à l’instar de Marlène Mocquet et de Thibault Hazelzet, ils n’hésitent plus à revendiquer une certaine virtuosité, à l’image de Nazanin Pouyandeh et de Thomas Lévy-Lasne. Par plaisir sans aucun doute, par provocation peut-être aussi. Après tout, quitte à peindre, autant l’assumer ! Car les artistes ont retrouvé le chemin de l’atelier, et ils le clament haut et fort. Frondeuse, ses yeux plantés dans les nôtres, Marion Bataillard se représente dans un miroir pinceau à la main (Grand Autoportrait à l’atelier, 2013-2015), quand Simon Pasieka place, bien en évidence, sa palette dans ses paysages. Peindre, peindre, peindre jusqu’à renouer avec la grande histoire, celle des maîtres – c’est Gaël Davrinche qui réactualise le Portrait de Baldassare Castiglione de Raphaël (Baldassarre Castiglione @ Raphaël, 2020) et Axel Pahlavi qui « termine » le Portrait d’Olga dans un fauteuil de Picasso (L’Œuvre muette, 2019-2020). Peindre, peindre, peindre jusqu’à renouveler, aussi, la peinture d’histoire – c’est Stéphane Pencréac’h qui représente en 2015 la marche des chefs d’État à la suite des attentats de janvier de la même année, à Paris (Paris, 11 janvier 2015). À la Panacée, les artistes de la génération suivante, ceux nés depuis la fin des années 1980, sont plus apaisés. S’ils gardent le pinceau en main, ils semblent avoir déposé les armes. Est-ce le signe d’un « combat » gagné, d’une peinture désormais acquise, comme le suggère Numa Hambursin, directeur du Mo.Co. ? Possible, oui. De fait, les chats de Charles Hascoët sont désarmants de simplicité, pour ne pas dire de vacuité, comme les fleurs de Louise Sartor. Il se dégage des tableaux « sans titre » de David Caille et de ceux de Diane Dal-Pra une impression de « néo-romantisme » qui pourrait laisser penser que la peinture n’aurait plus rien à dire… Une impression tempérée, fort heureusement, par les puissants tableaux de Johanna Mirabel, Miryam Haddad et Apolonia Sokol, trois peintres dont il faut assurément suivre le parcours. Oui, il fallait la faire, cette exposition « Immortelle », pour prendre le pouls des peintres et mesurer les enjeux de la peinture actuelle, ses forces et ses faiblesses. On pourra lui reprocher d’avoir intégré à son parcours quelques dessinateurs, dont Fabien Mérelle et Abdelkader Benchamma, dont nous ne sommes pas sûrs que les « combats » ont été identiques à ceux des peintres. On peut regretter, également, qu’elle se soit cantonnée à la figuration, quand la peinture abstraite a su se renouveler, elle aussi – en témoigne la peinture de Pauline Bazignan, seule peintre « abstraite » admise au sein du parcours. Mais on doit lui reconnaître sa pertinence dans un accrochage éloquent, souvent subtil, qui sait imprimer dans nos mémoires les tableaux envoûtants de Cristine Guinamand, Florence Reymond, Lucie Picandet ou Marcella Barceló… parmi tant d’autres peintres.
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Mortelle "Immortelle" !
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°764 du 1 mai 2023, avec le titre suivant : Mortelle "Immortelle" !