MONTPELLIER
Un panorama éclectique de la jeune peinture figurative française est déployé dans les deux centres d’art du Mo.Co.
Montpellier (Hérault). « Immortelle », la double exposition du Mo.Co, réunit un nombre impressionnant de peintres, plus de 120 au total. Pour Numa Hambursin, directeur général, co-commissaire de l’exposition avec Amélie Adamo, historienne de l’art [et collaboratrice à L’Œil], et Anya Harrison, curatrice au Mo.Co. Panacée, il était urgent de donner de la visibilité à deux générations, celle des créateurs nés autour de 1970 et celle de très jeunes artistes, connus et moins connus. Numa Hambursin défend ainsi un « choix généreux » qui permet de découvrir des points communs entre les artistes. On peut comprendre cette option sans nécessairement y adhérer car la quantité de toiles et leur accrochage très serré ne facilitent pas la visite. De même, si le sous-titre de la manifestation évoque la « Vitalité de la jeune peinture figurative », cette vitalité, parfois mal canalisée, peut frôler le kitsch ou le pathos.
Quoi qu’il en soit, à Montpellier mais aussi au Musée des Sables-d’Olonne (« La jeune figuration en France », jusqu’au 28 mai) ou à l’Espace Caillebotte à Yerres (« Figurations. Un autre art aujourd’hui », à partir du 13 mai), constat est fait qu’après une longue traversée du désert, où elle fut chassée par l’art conceptuel ou les installations, la peinture est maintenant bien revenue.
Assiste-t-on pour autant à un véritable renouveau de la figuration ? Face aux œuvres, le spectateur a plutôt l’impression que les artistes s’autorisent à revenir sur des thèmes atemporels. En fait, sous les intitulés un peu énigmatiques des quatre sections : « Le désir de peinture », « Fantômes », « Vertiges », « Cycles », on comprend qu’il s’agit de références à l’histoire de l’art, à l’histoire, à l’espace ou encore aux âges de la vie. Quant aux styles, le terme « esthétique de l’hybridation » employé ici est commode mais vague. En réalité, on remarque surtout la présence du surréalisme (Thomas Agrinier, Dreamers, 2021) ou, dans une moindre mesure, celle de l’expressionnisme (Jean Claracq, Arcadia Club, 2021). Quand les commissaires affirment que les plus talentueux d’entre ces artistes pratiquent tous les styles à la fois, est-ce un véritable compliment ?
Peut-être l’intérêt principal de cette présentation réside-t-il dans l’écart entre les deux générations présentées. Les aînés font ainsi souvent référence à l’histoire de l’art, tantôt explicitement (After Lunch, hommage à Manet, 2019, de Karin Hoffman), tantôt en revisitant un genre (une vanité « matiériste » de Ronan Barrot, un beau paysage de Min Jung-yeon). Ailleurs, ce sont des allusions à l’actualité (Jihad, 2015, Damien Deroubaix). La riche matière picturale – parfois dégoulinante – contribue à la sensation d’inquiétude, voire d’urgence que dégagent ces œuvres. Rien de tel chez les jeunes artistes. Leurs travaux semblent imperméables aux événements qui secouent leur environnement. Ces œuvres intimistes, lisses, plutôt bien composées – Rodrigue à la rose, 2021, Oscar Lefebvre ; Parfait, 2022, Louise Sartor – apparaissent quelque peu hors-sol et hors temps. L’accrochage, nettement plus aéré dans leur cas, accentue-t-il ce sentiment. Reste que l’on demeure étonné face à un art qui se replie sur lui-même. Faut-il voir dans cette forme de déconnexion du monde un dégât collatéral post-pandémie ?
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°609 du 14 avril 2023, avec le titre suivant : Au MO.CO, la figuration contre-attaque