Son audace séduit le public, des expositions lui sont consacrées et des artistes s’inspirent de son travail. Mais qui fut le sculpteur des « Têtes de caractère » et comment interpréter son œuvre ?
Artiste énigmatique et singulier, Franz Xaver Messerschmidt, dont le travail est actuellement exposée au Louvre, aura suscité durant son activité et bien après sa mort des sentiments ambivalents : s’il fut pour certains un génie, pour d’autres il demeure un fou. Il a élaboré une œuvre sculptée extrême et paradoxale qui réunit à la fois des créations de facture classique, par exemple quand il effectue des portraits officiels, et des réalisations à contre-courant des normes artistiques de l’époque avec sa célèbre série d’autoportraits intitulée : « Têtes de caractère ».
L’apprentissage à Vienne
Ces visages étranges et grimaçants exercent sur le spectateur une terrible fascination, mais n’ont jamais permis, malgré les nombreuses analyses, esthétiques ou psychologiques, de deviner les intentions véritables de l’artiste allemand. Il serait en tout cas réducteur de séparer les éléments disant que son œuvre est le produit de courants artistiques et historiques de ceux qui émanent d’une probable pathologie. Jusqu’à sa mort, il continuera d’ailleurs d’honorer admirablement des commandes officielles, parallèlement à ses « Têtes de caractère ». Messerschmidt commence sa formation dans l’atelier de sculpture de son oncle où il acquiert une grande dextérité. Il intègre ensuite la prestigieuse Académie des beaux-arts de Vienne. Dès la fin de ses études, sa maturité artistique lui vaut d’être sollicité par la Cour et la noblesse. L’impératrice Marie-Thérèse lui commande personnellement son buste [voir p. 73]. Il part ensuite pour Rome afin d’étudier pendant plusieurs mois l’art classique.
Du baroque au néoclassicisme
Lorsque Messerschmidt revient à Vienne à la demande de l’impératrice pour la réalisation, cette fois, du portrait posthume de son mari, ses créations s’imprègnent de son expérience romaine : il se détache du baroque et se tourne vers le néoclassicisme. En 1769, il est au faîte de sa renommée. En 1771, alors que son intérêt pour ses « Têtes de caractère » va croissant, une étrange rupture intervient dans sa vie : l’artiste n’a plus de commandes, il est évincé de la chaire de professeur de sculpture « pour raison sujette à la folie » et se retrouve isolé. Accablé par les rumeurs, il retourne chez son frère à Bratislava, en Hongrie [actuelle Slovaquie], à quelques kilomètres de Vienne, où il décède en 1783.
1736 Naissance à Wiesensteig en Bavière.
1755 Étudie à l’Académie des beaux-arts de Vienne.
1774 S’apprêtant à devenir professeur titulaire à l’Académie royale de Vienne, où il enseigne depuis 5 ans, il est évincé par le comité des professeurs.
1777 Il s’installe à Presbourg. Premières « Têtes de caractères ».
1783 Meurt à Presbourg. On découvre dans son atelier 69 « Têtes de caractères », jamais rendues publiques.
2005 Acquisition par le musée du Louvre d’une tête grimaçante.
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Messerschmidt, la folie au rang de génie
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Franz Xaver Messerschmidt (1736-1783), jusqu’au
25 avril 2011. Musée du Louvre, Paris. Tous les jours de 9 h à 18 h sauf le mardi. Jusqu’à 22 h le mercredi et le vendredi. Tarifs : de 6 à 9,50 euros. www.louvre.fr
Le catalogue de l’exposition.
Coédition le Louvre/Officina Libraria/Neue Gallery (bilingue, 39 euros), l’ouvrage s’attarde sur la vie et l’œuvre du sculpteur allemand, mais il ne reproduit que les sculptures coulées par l’artiste lui même. Alors que la première section de l’ouvrage s’attarde sur les portraits de commandes, la deuxième s’interroge sur les fameuses « Têtes de caractères » sources de tant d’interprétations depuis leur création : de leur ancrage dans les théories de l’époque sur l’expression des sentiments à leur lien avec les troubles psychiques de l’artiste.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°632 du 1 février 2011, avec le titre suivant : Messerschmidt, la folie au rang de génie