NICE
Avec l’exposition « Matisse & Picasso, la comédie du modèle », le Musée de Nice instaure, entre les deux géants du XXe siècle, un dialogue qui forme l’axe d’une démonstration déclinée en cinq sections autour des différentes modalités du rapport entre l’artiste et son modèle.
Cent trente œuvres et des documents permettent d’illustrer l’histoire de cette extraordinaire relation. Lorsqu’ils se rencontrent pour la première fois au printemps 1906 chez les collectionneurs d’art Gertrude et Léo Stein, Matisse est le chef de file du mouvement fauve, Picasso, un jeune bohème de douze ans son cadet. La relation exceptionnelle qui va unir les deux artistes jusqu’à la fin de la vie de Matisse sera faite de passion et de compétition, d’agacement parfois, d’admiration et de respect toujours.
Cette année-là, Matisse présente au Salon d’automne Le Bonheur de vivre. Picasso va y répondre de façon radicale. Fin 1906, il entreprend le grand tableau qui allait devenir Les Demoiselles d’Avignon. Si le premier constitue un repère pour l’histoire de l’art, le second est le chef d’œuvre absolu qui en modifia le cours. En 1907, ils échangent des tableaux, chacun choisissant une œuvre qui souligne leur différence. Matisse rapporta chez lui Cruche, bol et citron à la palette stridente et au trait « sauvage » ; Picasso acquit Portrait de Marguerite tout en aplats de couleurs, presque enfantine. « Moi, j’ai le dessin et je cherche la couleur, dira Picasso à son aîné, vous, vous avez la couleur et cherchez le dessin. » Dès lors, un profond dialogue va s’instaurer à travers leur travail, se répondant d’une œuvre à l’autre, développant au cours de leur carrière une véritable « fraternité artistique », selon les propos de Matisse, écrivant à travers ces fascinants jeux de miroirs les plus grandes pages de l’histoire de l’art. À la mort de Matisse, en 1954, Picasso lui rend un hommage posthume à travers un cycle de variations en quinze tableaux inspirés des Femmes d’Alger de Delacroix et dont les poses font écho aux Odalisques de Matisse. De fait, cette série de nus semble introduire dans l’approche plus austère et géométrique de Picasso le style coloré et voluptueux de Matisse.
Musée Matisse, 164, avenue des Arènes-de-Cimiez, Nice (06), www.musee-matisse-nice.org
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°714 du 1 juillet 2018, avec le titre suivant : Matisse et Picasso, je t’aime moi non plus…