« Je me suis allongé dans la boue. Je me suis séché à l’air du crime. Et j’ai joué de bons tours à la folie. » Rimbaud, Une saison en enfer.
Ce n’est pas une saison que le jeune Pinchas Burstein, né en 1927 en Pologne, a passé en enfer, mais cinq ans. Sa famille est arrêtée en 1939. Il est envoyé en mai 1940 avec son père dans un camp de travail, celui-ci est rapidement assassiné. L’enfant de 13 ans survit au typhus puis est transféré pendant l’hiver 1942-1943 dans le ghetto de Rzeszow. La nuit de son arrivée, aligné avec vingt-deux autres juifs pour être fusillé, il voit ses compagnons abattus un par un avant de recevoir deux balles, l’une dans le cou et l’autre près de l’œil. Les tueurs, ivres, ne réalisent pas qu’il feint d’être mort. Un membre du conseil juif du ghetto le retrouve et le fait soigner. Il est ensuite déporté dans différents camps de travail. Évacué en janvier 1945 vers l’Allemagne lors de l’une de ces terrifiantes marches de la mort, il est mitraillé. Atteint par plusieurs balles à la jambe droite, sauvé par des camarades qui le cachent jusqu’à l’arrivée de l’Armée rouge, il est amputé.
Seul survivant de sa famille, le jeune homme, qui avait dès son enfance manifesté une forte passion pour le dessin, décide d’étudier les beaux-arts. Inscrit en 1947 à l’école Bezalel de Jérusalem, il gagne Paris en 1950, change d’identité, devient Maryan, et suit durant trois ans des cours à l’École nationale supérieure des beaux-arts. Lassé du milieu artistique parisien et ne parvenant pas à obtenir sa naturalisation, il s’installe à New York en 1962. Jusqu’en 1977, année de sa mort, Maryan réalise une œuvre où se déploient en majesté les plus denses inquiétudes. Sa peinture ne ressemble à aucune autre. Les humains y arborent les stigmates des orgueilleuses stupidités et des instincts les plus répugnants. Et quelle peinture ! Une « peinture vérité » d’une puissance douloureusement grave. L’exposition se conclut par huit des neuf carnets de dessins réalisés en 1971 et 1972, 478 dessins exceptionnels, 478 saynètes à l’échelle humaine : parfois drôles, toujours merveilleusement terrifiantes. Colin Cyvoct
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Maryan, peintre terriblement humain
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Abonnez-vous dès 1 €Musée d’art et d’histoire du judaïsme, hôtel de Saint-Aignan, 71, rue du Temple, Paris-3e, www.mahj.org
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°664 du 1 janvier 2014, avec le titre suivant : Maryan, peintre terriblement humain