Rares sont les objets en or qui sont parvenus de la dynastie des Ming. Dans son exposition « L’or des Ming », le Musée Guimet présente la splendeur de l’orfèvrerie traditionnelle et de l’art du bijou qui se déployaient alors dans la Cité interdite et les riches palais des élites.
Des Ming, qui régnèrent sur la Chine du XIVe au XVIIe siècle, on connaît surtout les délicates porcelaines bleues et blanches, la peinture illustrant la richesse de la vie de cour et le mobilier aux lignes épurés. Le Musée Guimet, en partenariat avec le Musée des beaux-arts de Qujiang, révèle un art moins connu de cette dynastie qui renversa le pouvoir mongol des Yuan : l’orfèvrerie d’or. Il faut dire que peu d’objets en or ont été conservés, ce métal précieux étant généralement fondu dès lors qu’il n’était plus utilisé. Une centaine de pièces d’une grande rareté illustrent ainsi le luxe et le raffinement de la cour impériale. À une époque où la Chine s’ouvre au commerce international, les élites de la cour, mais aussi des provinces, affichent leur magnificence à travers une vaisselle d’apparat et des parures faite de ce métal précieux inoxydable couleur du soleil, symbole de richesse et de grandeur. « C’est la première fois qu’une exposition en France est consacrée à cette orfèvrerie, qui connaît alors son âge d’or », explique Arnaud Bertrand, conservateur des collections Chine et Corée au Musée Guimet et co-commissaire de l’exposition. Si l’or est un matériau apprécié dès la Chine ancienne, il l’était cependant moins avant la dynastie des Ming que le jade, travaillé depuis 5 000 ans, ou le bronze. « Longtemps, on ne peut obtenir de l’or qu’à travers des échanges : il n’y a pas d’exploitation de mine locale. Du IIIe au Ve siècle, au moment où le bouddhisme progresse en Chine, l’or, parce qu’il est inoxydable, est utilisé presque exclusivement pour dorer les statues. Les pénuries sont fréquentes. C’est seulement au VIIIe siècle, sous les Tang, qu’on commence à exploiter des mines d’or dans le sud-ouest de la Chine », précise Arnaud Bertrand. À l’orée de l’hégémonie mongole, au XIIIe siècle, il est enfin devenu un matériau aussi noble que le jade, le bronze ou la soie. Lorsque les Ming rétablissent la domination de l’ethnie majoritaire Han, chinoise, en prenant le pouvoir, l’or s’intègre dans le faste de la vie de cour et des élites. Boucles d’oreilles, bracelets, bagues, pendants d’écharpes, épingles à cheveux, coupes et vases finement ciselés et ajourés s’ornent de motifs floraux ou animaliers, associés à la culture chinoise, avec une élégance inédite.Ces parures ne se contentent pas de sublimer les visages, et la vaisselle n’a pas pour seule fonction d’agrémenter les riches intérieurs : les pièces d’orfèvrerie affichent des symboles reflétant le rang social de la personne à laquelle elles appartiennent. Ainsi, les dragons à cinq griffes ou des phénix expriment que le personnage qui les possède fait partie de la famille proche de l’Empereur. Les dames de la haute noblesse qui n’en sont pas doivent porter des parures décorées d’autres créatures... à moins de trouver une façon de s’accommoder de cette règle en la contournant ! Par exemple, en figurant des dragons à quatre griffes au lieu de cinq, ou encore pourvus d’ailes…
Caractéristique du début de la période Ming, cet ornement de tête était porté par les femmes au-dessus du front. Les figures de divinités bouddhiques étaient très appréciées par les femmes de l’aristocratie pour ce type d’ornement. « Ce motif religieux est sans doute porteur de vertus protectrices », relève Hélène Gascuel, conservatrice des collections de mobilier chinois et textiles du Musée Guimet, et co-commissaire de l’exposition.
Très graphique, exécuté en filigrane d’or, ce dragon enroulé à quatre griffes – qui n’a donc pas appartenu à l’Impératrice qui, elle, portait un dragon impérial à cinq griffes – poursuit la perle enflammée de la sagesse, figurée par un cabochon de rubis. Cette pierre très appréciée sous les Ming rehaussait certains des plus beaux bijoux en or. Détail amusant : l’épingle se termine par une spatule arrondie : un cure-oreille.
Le terme « ruyi » signifie « selon vos désirs ». Ce bâton de bon augure s’offrait pour gratifier son destinataire d’une marque de reconnaissance – par exemple, pour sa carrière. La palette de celui-ci est ornée d’un jade finement ajouré. Sur le revers du manche en filigrane d’or rehaussé de saphirs et rubis, une inscription mentionne le Bureau d’orfèvrerie de la dynastie Ming. Son destinataire était donc probablement un prince de haut rang.
Cet objet témoigne du goût chinois pour les formes archaïques : cette coupe « jue » tripode reprend en effet une forme des bronzes la Haute Antiquité chinoise. Ces derniers étaient utilisés pour des offrandes d’alcool dans le cadre du culte des ancêtres. Cette coupe cultuelle a ici été reprise dans le goût Ming, avec un décor de dragons foisonnant, rehaussé de nombreuses pierres précieuses.
Couchés, les daims de ces boîtes tiennent chacun dans la bouche une branche chargée de grenades, qui est un fruit à grains, symbole de fécondité. Le daim est par ailleurs l’animal qui accompagne la divinité populaire de la longévité. On distingue par ailleurs de minuscules papillons, qui sont souvent promesses d’amour. Cette paire de boîtes, presque baroque, en filigrane d’or, constituait peut-être un cadeau de mariage.
Les dames de la cour ne se coupaient pas les cheveux. Elles maintenaient leur chevelure par des épingles, dont le scintillement de l’or rendait plus éclatante la blancheur de leur visage. Cette épingle, sertie de saphirs et de rubis, est ornée de fleurs et d’oiseaux, motifs traditionnels de l’iconographie chinoise porteurs de messages de bon augure. Ici, on observe une pivoine, symbole de richesse et de réussite sociale et un papillon, associé à la longévité.
Le motif de la calebasse est porteur d’une signification de bon augure. Comme toutes les courges, cette cucurbitacée contient beaucoup de graines. Par ailleurs, dans le système des motifs chinois, on retrouve souvent un principe d’homophonie. « La graine se prononce comme l’enfant, l’héritier », souligne Hélène Gascuel. Ces boucles d’oreilles, très appréciées à l’époque Ming, évoquent ainsi une descendance prospère, avec de nombreux fils qui feront perdurer la lignée.
Les pans des écharpes portées sur les épaules par les femmes de la noblesse étaient réunis au niveau des genoux par un pendant en orfèvrerie, parfois en jade, spécifique à la civilisation chinoise. Celui-ci porte un motif de dragon volant. Ici, le dragon ailé n’est pas un dragon impérial, qui lui n’est pas pourvu d’ailes. Ce pendant, malgré sa qualité, n’était donc pas porté par une proche parente de l’Empereur.
Comme les épingles à cheveux, les bracelets étaient portés par paire et de façon symétrique. Ici, le travail très fin de filigrane est combiné à la technique de la granulation : au sein de chaque fleurette, se trouve une bille d’or. À chaque extrémité, au centre de la pivoine, a été placé un rubis. Sous les Ming, les pierres précieuses sont choisies en fonction de leur couleur. Le rouge, de bon augure, est la couleur dynastique.
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L’or éclatant des Ming
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°780 du 1 novembre 2024, avec le titre suivant : L’or éclatant des Ming