Les objets et bijoux d’or datant de la dynastie Ming ont atteint un niveau de sophistication exceptionnel. Le Musée Guimet présente une collection privée chinoise de ces pièces rares.
Paris. « Ming signifie “brillant, éclatant” », révèle le texte de salle présentant l’exposition « L’or des Ming » au Musée Guimet. De 1368 à 1644, les empereurs de la dynastie Ming ont régné sur un territoire qui s’est enrichi grâce à un commerce favorisé par une paix durable. À cette époque, l’usage de l’or, matériau éternellement brillant et réutilisable – d’où la rareté des pièces anciennes –, n’est plus réservé à la sphère sacerdotale et impériale mais se répand dans la noblesse, chez les eunuques (le personnel de la cour impériale) et chez les femmes riches, comme le détaille, dans l’essai ouvrant le catalogue, Arnaud Bertrand, co-commissaire de l’exposition avec Hélène Gascuel.
Les deux conservateurs n’ont pas eu à chercher longtemps les œuvres puisqu’elles proviennent d’un ensemble qui tourne régulièrement dans le monde. Réunie par Peter Viem Kwok, homme d’affaires d’origine vietnamienne ayant étudié aux États-Unis et installé à Hongkong, la collection Dong Bo Zhai est conservée par le Xi’an Qujiang Museum of Fine Arts qu’il a fondé en plein cœur de la Chine continentale, dans la ville de Xi’an, ancienne capitale impériale des dynasties Qin, Han et Tang. L’exposition se tient dans le cadre de l’Année franco-chinoise du tourisme culturel et de la célébration du 60e anniversaire des relations diplomatiques entre la France et la Chine.
Bien que le catalogue donne peu d’informations sur la provenance des plus de 130 objets présentés, on sait que ceux-ci témoignent essentiellement des fastes de la cour impériale. Qu’ils aient été trouvés dans les tombes d’un empereur, d’un prince du sang ou d’une famille de la grande bourgeoisie, ils sont souvent ornés de motifs qui étaient réservés à l’entourage de l’empereur, tels le dragon, le faisan et le phénix. On apprend par les textes de l’époque que des membres de la Cour pouvaient en faire sortir des parures et il est certain que les riches bourgeois parvenaient à faire reproduire des bijoux impériaux – ils étaient alors portés dans le privé par les épouses et concubines. Théoriquement, l’usage des parures d’or n’était permis aux femmes étrangères à la famille impériale que lors de leur mariage.
Après une salle introductive sur la dynastie Ming et le travail de l’or (des vidéos produites avec le concours de l’École des arts joailliers [Paris] permettent de comprendre comment sont réalisés la granulation, le filigrane, le repoussé, etc.), la découverte des objets commence par la vaisselle. Comme les dynasties mongoles qui les ont précédés, les Ming mangeaient dans des assiettes d’or, mais la collection Dong Bo Zhai comprend surtout de la vaisselle rituelle. Sur le modèle du « plat avec montagne (pan) qui soutient une coupe à libation (jue)», traditionnellement en porcelaine, une exceptionnelle pièce en or sertie de rubis et saphirs porte une inscription officielle la datant précisément [voir ill.]. Une verseuse et des vases d’applique s’ornent de plaques de jade sculpté, des paniers ajourés au couvercle garni de fleurs au cœur de rubis sont réalisés en filigrane. Un somptueux sceptre ruyi (porte-bonheur offert à certaines occasions) se termine par un médaillon de jade ajouré représentant une aigrette au milieu des lotus. Un décor complexe de rinceaux de fleurs filigranées au cœur de rubis ou de spinelles, disposé sur une résille, parcourt le manche jusqu’au caractère (« sinogramme ») shou signifiant la longévité et à une chauve-souris, symbole de bonheur.
Dans la rotonde du musée, les bijoux, essentiellement féminins, sont disposés dans des vitrines verticales consacrées à leur décor animalier ou végétal, parfois aussi constitué d’un « sinogramme ». Les vitrines horizontales s’attachent à la typologie de ces accessoires (épingles, boucles d’oreilles, bracelets, bagues…). Parmi les motifs animaliers, on trouve le dragon, symbole impérial, et le phénix, attribut féminin. Une épingle à cheveux en filigrane serti de rubis et de saphirs montre un phénix en vol [voir ill.]. D’autres s’ornent d’un crabe (symbole de succès), de papillons ou d’une chauve-souris. L’une d’elles porte un dragon dont la queue s’enroule autour de la tige qui se termine par un cure-oreille. Le pendant d’écharpe, réservé aux femmes, était une petite boîte ajourée qui pouvait contenir un pot-pourri. Des épingles de chignon articulées étaient destinées à être posées horizontalement et se balançaient en suivant les mouvements de la tête. Les femmes arboraient aussi volontiers des ornements et épingles à motif bouddhiste tels le mudra (« geste de la main ») ou la sonnaille du bâton du moine pèlerin. Au-delà de sa préciosité et de son infinie délicatesse, chacun de ces bijoux était porteur d’un message traduisant le rang ou les aspirations de sa propriétaire.
Chefs-d’œuvre des bronziers orientaux
Amsterdam. Une part de l’extraordinaire virtuosité des orfèvres de la dynastie des Ming trouve ses racines dans celle des bronziers orientaux qui les ont précédés. C’est à cet art qu’est consacrée à Amsterdam l’exposition du Rijksmuseum qui rassemble plus de 75 bronzes provenant des actuels Inde, Pakistan, Vietnam, Thaïlande, Indonésie, Népal, Chine, Japon et Corée. Ils sont conservés dans des musées d’Asie (Chine exceptée), américains et européens, notamment les musées des arts asiatiques Guimet, Cernuschi (Paris) et de Nice. Une quinzaine de ces œuvres n’était jamais venue en Europe. De la Femme debout (vers 2500-1500 avant notre ère) de Mohenjo-Daro (Pakistan) au Miroir magique Amida (2024) du Japonais Yamamoto Akihisa, l’art des bronziers est ici décliné en pièces exceptionnelles. Le Rijksmuseum a organisé le parcours autour de sa récente acquisition, Guhyasamaja Akshobhya (1re moitié du XVe siècle), un somptueux cuivre doré et peint tibétain. L’exposition fait suite à des recherches approfondies menées par une équipe internationale sur la collection de bronzes asiatique du Rijksmuseum – composition, techniques de fonte, patine – qui sont détaillées dans le catalogue (en anglais). É. S.
Bronzes d’Asie. 4 000 ans de beauté,
jusqu’au 12 janvier 2025, Rijksmuseum, Museumstraat 1, Amsterdam (Pays-Bas).
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°643 du 15 novembre 2024, avec le titre suivant : Chez les Ming, tout ce qui brille est d’or