« Le Japon est un ensemble de paradoxes », expliquait Yuko Hasegawa en ouverture de son exposition « Japanorama », en 2017 au Centre Pompidou-Metz.
La grande spécialiste de l’art contemporain japonais revient cet été en France, à Paris, pour ouvrir la saison « Japonismes 2018 » et illustrer comment ces « paradoxes » prennent forme dans l’art nippon. Comme son titre l’indique, « Fukami, une plongée dans l’esthétique japonaise » ambitionne de saisir l’essence de cet art qui bouleversa, à la fin du XIXe siècle, l’esthétique occidentale en lui apportant un vocabulaire plastique inédit. Pour cette nouvelle exposition, madame Hasegawa n’est pas venue avec dans ses bagages une sélection d’œuvres actuelles, ni d’estampes Ukiyo-e signées des maîtres du genre (Hokusai et Utamaro, par exemple), mais avec une centaine de pièces choisies à travers les âges (de la préhistoire à aujourd’hui) et les genres (peinture, estampe, vidéo, mode…), tout en s’autorisant quelques excursions exotiques (Picasso, Gauguin…). Le Japon résultant d’une somme de paradoxes, le concept de « Fukami » repose donc sur le rapprochement formel d’œuvres a priori sans liens, rassemblées au sein de chapitres reprenant des concepts forts de la société japonaise. Objectif : montrer la permanence des formes dans l’histoire de l’art japonais. Dès l’atrium de l’hôtel Salomon de Rothschild, le visiteur est accueilli par une sculpture d’obédience manga de Takashi Murakami et une poterie préhistorique de la période Jômon (– 15 000 à – 300 av. J.-C.). Même rondeur des formes, même exubérance décorative : la ressemblance est frappante. Ce petit jeu formel se poursuit ainsi de salle en salle, à l’image de celle qui rapproche la robe Roll de la marque Anrealage (associée au plasticien Kohei Nawa) des volutes de vases plusieurs fois millénaires… La démonstration se révèle à l’usage éloquente, tout en offrant des moments de grâce, à l’instar des personnages en bois sculptés au XVIIe siècle par le moine Enkū, dont on ne sait plus grand-chose aujourd’hui. Une véritable découverte et un pur moment de bonheur esthétique.
hôtel Salomon de Rothschild, 11, rue Berryer, Paris-8e, japonismes.org/fr/
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°714 du 1 juillet 2018, avec le titre suivant : L’essence de l’art japonais