Art contemporain

L’espace et la lumière

Robert Irwin au Musée d’art moderne

Par Alain Cueff · Le Journal des Arts

Le 1 juin 1994 - 557 mots

L’œuvre de Robert Irwin est méconnue en Europe, et plus encore en France, où il n’avait, à ce jour, jamais exposé. Pour sa première intervention à Paris, l’artiste californien occupera les salles de l’ARC au Musée d’art moderne de la ville de Paris avec plusieurs installations spectaculaires.

PARIS - Robert Irwin est un pionnier de l’art environnemental qui s’est peu à peu imposé dans l’univers californien dès la fin des années soixante. Devançant les recherches d’artistes avec lesquels il sera plus tard associé – tels Michael Asher, Maria Nordman ou James Turrel –, Irwin est resté, tout comme son travail, d’une exemplaire discrétion. S’il a volontiers recours à des dispositifs complexes et monumentaux, ses interventions dans l’espace n’en sont pas moins, la plupart du temps, minimales. Et parfois presque invisibles, provoquant le spectateur. Un aplat de peinture sur un mur, un film de plastique ou de gaze, un tube de néon, une ouverture vers la lumière extérieure lui suffisent à transformer radicalement la perception de l’espace. Irwin crée moins des œuvres que des situations que le visiteur se doit d’expérimenter.

Travaillant, à la fin des années cinquante, dans la mouvance de l’expressionnisme abstrait, Robert Irwin en vint à réduire peu à peu les moyens de la peinture, jusqu’à réaliser des monochromes seulement traversés de quatre, puis de deux lignes tracées et incisées dans l’épaisseur même de la peinture. Irwin poursuivit alors une réflexion plus "logique" qu’esthétique et, vers 1965, conçut ses premiers environnements. "Le problème pour moi n’était pas la lumière et l’espace en eux-mêmes, explique-t-il. Mais il me semblait alors que l’espace réel offrait plus d’implications que le tableau. Pour autant, je ne prétendrais certainement pas que la peinture est morte : je me considère encore peintre, et les moyens que j’utilise sont tout simplement une autre façon de faire." Pour Robert Irwin, "l’objet n’est pas le sujet", et l’art doit, selon lui, pouvoir contribuer, sinon à changer le monde, au moins à en modifier la perception. D’autant que celle-ci est infinie, et que l’œil, dit-il encore, est "très regardant !"

Une morale de la commande publique
Contrairement à d’autres artistes qui interviennent de façon autoritaire dans les lieux publics, contrariant parfois les usagers, Irwin s’est fait une règle de ne jamais imaginer de dispositifs contraignants. Que ce soit pour les jardins du nouveau musée Getty ou pour une place à Chicago, il travaille toujours "en réponse", et envisage attentivement l’ensemble des paramètres architecturaux et humains avant de soumettre le moindre projet. Il lui arrive aussi de tout bonnement décliner une proposition, quand il estime qu’aucune intervention ne pourrait cadrer avec l’espace considéré.

L’exposition de l’Arc sera déclinée en trois parties : une première, rétrospective, présentera les peintures des années cinquante et soixante. Pour la deuxième, Irwin interviendra dans les espaces avec toute la richesse de son vocabulaire, qui varie en fonction des circonstances. Il construira notamment un corridor  couverte et écaliré par la seule lkumière extérieure sur les escaliers menant à la salle Dufy, et, ailleurs, reportera au sol des détails du plafond. Inverser l’espace, bouleverser aussi profondément que possible ses perspectives pour le regard trouve lui aussi sa propre réponse. Une dernière partie, enfin, documentera les projets, réalisés ou non, conçus pour les lieux publics ces dernières années.

Robert Irwin, Musée d’art moderne de la ville de Paris, du 8 juillet au 16 octobre.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°4 du 1 juin 1994, avec le titre suivant : L’espace et la lumière

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