L’exposition consacrée au fondateur de Charleville-Mézières au Musée de l’Ardenne apporte un nouvel éclairage sur un personnage historique plus complexe qu’il n’y paraît.
CHARLEVILLE-MÉZIÈRES - Depuis le XIXe siècle, un bronze monumental érigé en cœur de ville, fige Charles de Gonzague dans son rôle de fondateur de Charleville. Jusqu’au 4 février 2017, le Musée de l’Ardenne propose aux Carolomacériens de regarder au-delà des habituelles frontières de la principauté d’Arches, l’exposition « Charles de Gonzague, Prince de l’Europe, 1580-1637 ». Après deux années de recherche et à travers une cinquantaine d’œuvres et objets venus d’Italie, de Belgique et de nombreuses villes françaises, Claude Grimmer, commissaire scientifique de l’exposition, révèle un personnage plus complexe que ce que l’on en sait généralement.
Fils de Louis de Gonzague et d’Henriette de Clèves, duc de Nevers, gouverneur de Bri et de Champagne, Charles de Gonzague est apparenté aux cours européennes. Sa marraine, dont le très beau portrait de 1563 inaugure la première pièce, est Anne d’Este, amie intime de Catherine de Médicis, plus connue sous le nom de madame de Nemours. Marie-Louise, une de ses filles sera reine de Pologne, représentée lors de l’arrangement de ce mariage royal sur une estampe du XVIIe en présence de Louis XIV enfant et du cardinal Mazarin.
Voyageur, bâtisseur, économiste
Ce « très beau petit prince qui de gentil esprit et de très grandes espérances », tel qu’il est décrit à l’âge de 6 ans dans une lettre de Christophe de Savigny, vit dans le faste. Des faïences de Nevers, une tapisserie (vidéo-projetée dans l’exposition) conservée au mobilier national, un volet aux armes des Clèves, donnent une idée du décor de ses résidences. Mézières, La Cassine, Nevers, Mantoue… Et bien sûr Paris, où son père fait construire l’hôtel de Nevers face au Louvre, que l’on trouve gravé sur une eau-forte de Johan Peeters au XVIIe siècle. En 1602, Charles voyage dans une Europe aux frontières incertaines, cartographiée la même année, par Jodocus Hondius, un document prêté par la Bibliothèque nationale de France (BnF). En 1608 et 1609, ses périples en Italie sont relatés dans d’étonnants petits livres traduits en français, prêtés par la ville de Mantoue. Des exergues tirés des cartels rythment les étapes. Il « s’enrichi(t) les yeux et l’esprit », joue les émissaires pour son cousin Henri IV qui l’appelle « mon neveu », et guerroie. Un portrait de Thomas Le Leu honore le guerrier blessé contre les Ottomans à Buda.
La ville de Charleville est évoquée en miroir de Nevers. La Meuse ici, la Loire là-bas. Plus que le bâtisseur, l’économiste est raconté ainsi que sa vision marchande liée aux Fleuves. C’est le prétexte pour exposer plusieurs plans de Nevers et une pièce rarissime de la collection numismatique de Charleville-Mézières, « un ducat d’or, représentant le prince cuirassé, tête nue, une épée dans la main droite ».
Dans les trois dernières salles, le visiteur découvre un Gonzague plus ombrageux, fervent catholique, collectionneur de bibles (un exemplaire numérisé est présenté sur tablette) aux velléités de croisade. Créateur d’un ordre combattant chrétien, dont il porte le collier sur ses derniers portraits le représentant en duc de Mantoue après la guerre de succession, il veut conquérir le monde ottoman. Cette période est illustrée par un portrait inédit du Père Joseph, son conseiller et éminence grise de Richelieu et par un des livres les plus précieux de l’exposition (prêt de la BnF), Les quatre livres des navigations et pérégrinations et voyages faits en la Turquie de Nicolas de Nicolaÿ, de 1567.
Une œuvre magistrale clôt l’exposition le présentant face à Dieu, prêt à partir en retraite, au côté de son petit-fils et successeur, Charles II. Venue du musée diocésain de Mantoue, cette huile imposante de 3 mètres sur 2,25 mètres a dû être placée très à l’écart de l’ensemble, dans le hall d’entrée du musée, pour qu’elle soit mieux visible. Un choix quelque peu dommageable, mais inévitable (le tableau ne passe tout simplement pas les portes) dans un parcours complètement revu pour cette exposition.
La grande salle temporaire a été réaménagée en une série d’alcôves pour une visite plus intimiste qui se déroule en huit étapes, mais qui s’avère aussi parfois labyrinthique faute d’un fléchage clair. D’autant que le propos très dense et pointu perd facilement le visiteur non averti. Des lecteurs attentifs et initiés trouveront beaucoup d’informations sur les cartels et panneaux de présentations installés dès la cour extérieure du musée, mais l’exposition gagne en vie, en anecdotes et lisibilité dans le cadre d’une visite guidée.
Commissaire : Claude Grimmer chercheuse associée à la Sorbonne, commissaire et Carole Marquet-Morelle, directrice du Musée de l’Ardenne.
Nombre d’œuvres : 77
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Les faces cachées de Charles de Gonzague
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Abonnez-vous dès 1 €Musée de l’Ardenne, Place ducale, 08000 Charleville-Mézieres, mardi-dimanche 10h-12h et 14h-18h, tél. : 03 24 32 44 60, entrée libre.
Légende Photo :
Antonio Giarola (?), Saint Romuald offre la réplique de l’église des Camaldules du Bois de la Fontaine à Dieu le père, à la Vierge et à l’enfant Jésus, en présence de Charles Ier et de Charles de Rethel son petit-fils, 1636, retable de l’église l’Ermitage du Bois de la Fontaine, huile sur toile, 323 x 223 cm, Musée diocésain Francesco Gonzaga, Mantoue.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°470 du 6 janvier 2017, avec le titre suivant : Les faces cachées de Charles de Gonzague