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Les envolées d’après-guerre

Le Musée des arts décoratifs met en scène les créateurs, éditeurs et diffuseurs de mobilier de 1945 à 1975. L’occasion de (re)découvrir nombre de talents oubliés.

Par Christian Simenc · Le Journal des Arts

Le 3 novembre 2010 - 682 mots

On a amplement glosé, en France, sur l’architecture de la reconstruction. Beaucoup moins, en revanche, sur le « design » de cette époque, lequel, d’ailleurs, ne s’appelait pas encore ainsi.

Et pourtant, c’est précisément à cette période charnière de l’après-guerre que s’amorça une totale révolution dans la création intérieure. Une métamorphose qui se poursuivit avec un réel dynamisme durant les fameuses trente glorieuses, comme le montre cette exposition concoctée par le Musée des arts décoratifs, à Paris, et intitulée « Mobi Boom, l’explosion du design en France, 1945-1975 ». Cette présentation, qui rassemble quelque 150 pièces, a au moins deux vertus : la première, une fois n’est pas coutume, est de mettre sur le devant de la scène les créateurs (ceux qui imaginent), mais aussi les éditeurs (ceux qui fabriquent) et les diffuseurs (ceux qui exposent et vendent). La seconde est de faire (re)découvrir des noms quelque peu occultés de la création mobilière française de ces trois décennies. 

Réseau complexe décrypté
La scénographie signée par Pierre Charpin est sobre et plutôt élégante. La grande nef, composée d’îlots colorés correspondant à différentes typologies d’objets (bureau, rangement, siège, luminaire…), accueille les designers. Les collatéraux, eux, sont dévolus aux éditeurs (Charron, Airborne, Huchers Minvielle, Meubles TV…) et aux diffuseurs (de la galerie Steph Simon aux magasins Meubles et Fonction ou Mobilier International). Bref, une présentation simple et on ne peut plus didactique, laquelle débute par quelques projets issus de la reconstruction, tels ces meubles en bois aux formes élémentaires dessinés par René Gabriel et Marcel Gascoin et destinés aux logements que construit alors l’architecte Auguste Perret au Havre, premiers signes de cette industrialisation mobilière en marche.
Au fil du parcours est décrypté ce réseau complexe éditeur/diffuseur qui se tisse, en France, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale et qui va œuvrer à une certaine démocratisation de ce mobilier dit « moderne ». Côté designers, le visiteur découvre ainsi qu’il n’y avait pas, alors, que les Jean Prouvé, Charlotte Perriand ou Pierre Paulin, concepteurs aujourd’hui chéris des collectionneurs, mais toute une ribambelle de créateurs, lesquels n’avaient pas à rougir de leurs collègues italiens, scandinaves ou américains qui leur volaient régulièrement la vedette. Dans l’un des entretiens filmés présentés, le designer Roger Tallon la qualifie tout bonnement de « génération oubliée ». Et ils sont légion ces « Mobi Boomers » plus ou moins ignorés : les René-Jean Caillette, Michel Mortier, Geneviève Dangles, Pierre Guariche, André Monpoix, Jacques Dumond… Tous ont montré un goût certain pour l’expérimentation des formes et des nouveaux matériaux. En témoignent des pièces étonnantes comme ces luminaires sculpturaux, en tôle d’acier laqué, signé Michel Buffet, ou ce meuble multifonctions (bar, tourne-disque et télévision) imaginé par Antoine Philippon et Jacqueline Lecoq pour la firme Formica à l’occasion du salon de la Société des artistes décorateurs de 1959. Dans les années 1960, le temps des utopies sera, en outre, celui des nouveaux modes de vie. « On avait envie de tout casser, de recommencer à zéro. C’était vrai en politique, c’était vrai dans les arts et c’était vrai dans notre métier », se souvient, dans une vidéo, le designer Marc Held, inventeur du fauteuil en polyester moulé Culbuto. La vision minimaliste s’estompe alors pour faire place à des notions de confort, de liberté, de convivialité… La vie dégringole au ras du sol et les matériaux se font éphémères, à l’instar de ces meubles en carton laqué conçus par Jean-Louis Avril ou de la chauffeuse gonflable Apollo de Quasar, en chlorure de polyvinyle. À l’époque, le plastique est roi, l’optimisme aussi. Avant que le premier choc pétrolier, en 1973, ne vienne stopper net les rêves d’innovations techniques qu’augurait ce nouveau matériau. 

MOBI BOOM, L’EXPLOSION DU DESIGN EN FRANCE, 1945-1975

Jusqu’au 2 janvier 2011, Musée des arts décoratifs, 107, rue de Rivoli, 75001 Paris, tél. 01 44 55 57 50, www.lesartsdecoratifs.fr, tlj sauf lundi 11h-18h, jeudi jusqu’à 21h. Catalogue, éd. du musée, 320 p., 350 ill., 55 euros, ISBN 978-2-9169-1421-3

Commissariat : Dominique Forest, conservatrice du département Moderne et contemporain au Musée des arts décoratifs de Paris
Scénographie : Pierre Charpin, designer
Nombre de pièces : environ 150

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°334 du 5 novembre 2010, avec le titre suivant : Les envolées d’après-guerre

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