Art ancien

Les chefs-d’œuvre de Naples à paris

Par Isabelle Manca-Kunert · L'ŒIL

Le 27 juin 2023 - 790 mots

À la faveur d’un partenariat d’envergure, le Musée du Louvre accueille au sein de ses collections une soixantaine des plus belles œuvres du Musée de Capodimonte à Naples.

Il flotte comme un air de réunion de famille sur le Louvre. Le musée parisien invite Capodimonte, son petit cousin transalpin implanté à Naples, à exposer ses trésors. Or, les similitudes entre les deux établissements sont troublantes. Les deux palais, l’un en bord de Seine, l’autre au pied du Vésuve, abritent en effet depuis des siècles deux des plus belles pinacothèques d’Europe. Ils sont également tous deux héritiers de la dynastie Bourbon. Car, même si l’histoire du Musée universel prend véritablement forme avec la Révolution française, ses origines sont inséparables des collections royales. Quant à la destinée de Capodimonte, elle remonte au XVIIIe siècle et est indissociable de la figure de Charles de Bourbon. Personnalité de premier plan, le souverain est à la fois le petit-fils de Louis XIV et le fruit de l’union d’Elisabeth, la dernière des Farnèse, avec Philippe V d’Espagne. Ce qui permet à Charles de Bourbon, duc de Parme et de Plaisance, promu roi de Naples en 1734, d’hériter d’une des collections les plus mirifiques d’Europe, celle qu’ont constituée les Farnèse, famille de mécènes et de collectionneurs parmi les plus éminentes depuis la Renaissance.

Un fonds de rêve

Admirée depuis sa fondation au Cinquecento par le pape Paul III, cette collection a la particularité d’être la seule de la Botte à vocation encyclopédique : elle réunit des tableaux représentatifs de toutes les écoles italiennes, Rome, Venise, Bologne et bien sûr Florence. Une particularité qui s’explique par l’apanage de ses propriétaires successifs, chacun y apportant sa touche en fonction de ses goûts, mais aussi de son ancrage territorial. Ainsi, le noyau originel possède une forte colorature romaine, puisque le pontife a réuni – outre des découvertes antiques de premier choix – des artistes ayant pour la plupart œuvré à son service dans la Ville éternelle. Et pas des moindres. Dans ce fonds de rêve, on trouve ainsi des signatures aussi illustres que Raphaël et Michel-Ange. Ses descendants inscriront leurs pas dans ceux de leur aïeul, chacun tenant toutefois à imprimer sa griffe. Alexandre Farnèse, le petit-fils du fondateur, manifeste ainsi un tropisme pour la couleur et l’expressivité et porte logiquement son dévolu sur Titien et Le Greco. Coup de théâtre, au XVIIe siècle, les collections s’enrichissent de manière nettement moins pacifique, puisque Ranuccio Ier Farnèse confisque les biens de ses vassaux rebelles, qui avaient comploté contre lui. Une vendetta fructueuse qui lui permet notamment de faire main basse sur des peintures du Corrège et de Bruegel l’Ancien !

Une diversité sans équivalent

Façonnée par ses fondateurs, la collection n’a toutefois pas cessé d’évoluer après sa muséification au Siècle des lumières, au gré des soubresauts de l’histoire politique mouvementée de l’Italie. Les œuvres appartenant à Joachim Murat, roi de Naples sous Napoléon, sont ainsi venues enrichir le noyau historique, suivies par les possessions de la Maison de Savoie et enfin les acquisitions et les dépôts de la République italienne. Cette pluralité des sources lui a conféré une diversité sans équivalent dans la Péninsule; une richesse qui a valu à l’institution d’être promue Musée national dans l’après-guerre.

Le Parmesan, Antea. Iconique beauté

Magnétique et énigmatique, ce portrait est un chef-d’œuvre du maniérisme. La jeune femme, sublimée par un luxueux costume et une pose monumentale, serait une courtisane et la maîtresse du peintre. D’où son extrême sensualité. Le regard est en effet happé par son décolleté, représenté de manière fort hardie pour l’époque. Paradoxalement, sa beauté a bien failli être fatale au tableau, qui avait tapé dans l’œil des dignitaires nazis. Ceux-ci l’avaient volé pour en faire un des trésors du musée du Führer.

Filippo Tagliolini, La Chute des Géants. Biscuit spectaculaire

C’est l’un des objets qui frappent le plus les visiteurs du musée. Véritable tour de force technique, ce biscuit haut de 1,60 m est sans conteste la réalisation la plus spectaculaire de la manufacture de Capodimonte. Créée au XVIIIe par Ferdinand IV de Bourbon pour rivaliser avec les autres fabriques de porcelaine européennes, l’institution participa grandement à la notoriété de la cité et en fit une halte culturelle incontournable pour les amateurs d’art qui accomplissaient le Grand Tour.

Masaccio, Crucifixion. La douleur incarnée

Les habitués de Capodimonte l’ont affectueusement surnommé le « Christ sans cou. Pourtant », l’étrange physionomie du supplicié peint en 1425 ne relève pas d’une erreur anatomique, mais de l’histoire matérielle de ce panneau. Il coiffait initialement un grand polyptique, et il devait donc être vu par en dessous, d’où ce raccourci. Six siècles après sa réalisation, cette œuvre sidère encore par sa puissance et son audace dans la représentation de la douleur et du chagrin, d’une modernité inouïe.

À voir
« Naples à Paris. Le Louvre invite le Musée de Capodimonte »,
Musée du Louvre, carrousel du Louvre, 99, rue de Rivoli, Paris-1er. Tous les jours, sauf le mardi, de 9h à 18h, nocturne le vendredi jusqu’à 21h45, tarifs de 15 à 17 €, www.louvre.fr

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°766 du 1 juillet 2023, avec le titre suivant : Les chefs-d’œuvre de Naples à paris

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