PARIS
La nuit de Cristal est décryptée au Mémorial de la Shoah à travers des documents d’archives.
PARIS - Le Mémorial de la Shoah, à Paris, poursuit son travail de mémoire en abordant un épisode-clef de cette histoire : la nuit de Cristal. Dans la nuit du 9 au 10 novembre 1938, après le discours d’incitation à la haine prononcé dans la soirée par Joseph Goebbels en direction des chefs nazis réunis à Munich, la SA (section d’assaut nazie) donne l’ordre d’incendier les synagogues d’Allemagne et d’Autriche. Les nazis s’en prennent à l’ensemble des biens de la communauté juive dont les maisons communautaires, institutions, résidences privées ou commerces sont pillés et saccagés. La « nuit de Cristal » tire ainsi son nom des innombrables vitrines et carreaux alors brisés. La veille, l’assassinat de Ernst Eduard vom Rath, secrétaire d’ambassade à Paris, par Herschel Grynszpan, Juif polonais installé dans la capitale, avait servi de prétexte au déclenchement d’une chasse aux Juifs. Lors de ce pogrom, de nombreux Juifs ont été déportés ; ils furent libérés au cours des mois suivants contre la promesse d’émigrer au plus vite et de renoncer à l’ensemble de leurs biens. La nuit de Cristal marque une nouvelle étape dans la stratégie de l’Allemagne nazie et l’accroissement des actes antisémites, comme le montrent les documents et témoignages ici réunis, agrémentés de nombreux panneaux pédagogiques.
Goebbels en images
Le Mémorial revient sur la genèse de l’événement, à partir de la nomination de Hitler comme chancelier de l’Allemagne le 30 janvier 1933. Une arrivée suivie de l’interdiction du parti communiste, de la promulgation du « décret pour la protection du peuple et de l’État », de la création de camps de concentration tel Dachau et des premières mesures antijuives avec leur lot d’humiliations publiques. Avec subtilité, le Mémorial aborde une nouvelle fois l’Histoire à travers les destins personnels de celles et ceux qui l’ont vécue, et dont les visages émergent d’une chronologie scrupuleusement retracée. Le formidable travail de documentation réalisé en amont par les équipes de Jacques Fredj, directeur de l’institution et commissaire de la manifestation, permet de confronter les photographies d’époque, lettres et objets personnels aux affiches de propagande et documents administratifs. Ainsi de cette copie de 1946, certifiée conforme, du document original des lois de Nuremberg (publiées dans le Journal officiel du 16 septembre 1935) « pour la protection du sang allemand et de l’honneur allemand ». À ses côtés, le cliché (juillet 1935) de SA infligeant à un couple – lui est juif, elle ne l’est pas – le port de pancartes dénonçant une union qui « souille l’honneur allemand » .
La visite épouse la trame chronologique – l’Anschluss, la conférence internationale d’Evian, l’expulsion des Juifs des Sudètes, les accords de Munich. Les divers documents audiovisuels réunis rendent le parcours particulièrement bouleversant. En guise d’introduction, un documentaire américain réalisé en 1938 révèle la réalité quotidienne de l’Allemagne, avant que n’apparaissent les images du discours prononcé par Goebbels en avril 1933. Plus loin, un extrait du film de Chaplin Le Dictateur, réalisé dès 1940, évoque la prise de conscience de l’opinion américaine. Citons enfin le témoignage récent d’Erich Elkan, enregistré à Bruxelles en septembre 1997, qui revient en détail sur une certaine nuit de novembre, il y a soixante-dix ans, pour qu’elle ne soit jamais oubliée.
LA NUIT DE CRISTAL, jusqu’au 22 mars, Mémorial de la Shoah, 17, rue Geoffroy-l’Asnier, 75004 Paris, tél. 01 42 77 44 72, www.memorialdelashoah.org, tlj sauf samedi 10h-18h, et 22h le jeudi, entrée libre. Catalogue, 120 p, 39 euros, ISBN 978-2-916366-57-1.
LA NUIT DE CRISTAL
Commissariat : Jacques Fredj, directeur du Mémorial de la Shoah
Scénographie : Pascal Rodriguez
Nombre de pièces : 200
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Les bris de l’Histoire
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°295 du 23 janvier 2009, avec le titre suivant : Les bris de l’Histoire