Ornans (Doubs). Au cours d’une rencontre avec l’historienne de l’art belge Isolde De Buck à propos des rapports de Courbet avec la Belgique, Frédérique Thomas-Maurin, conservatrice en chef du Musée Gustave-Courbet, a découvert le peintre bruxellois Léon Frederic (1856-1940).
Il est quasiment inconnu en France, même si un monumental triptyque de sa main, Les Âges de l’ouvrier (1895-1897), est accroché au Musée d’Orsay. Singulier et attachant, cet admirateur du maître d’Ornans avait le profil idéal pour une exposition monographique dans le musée consacré à Courbet.
Avec l’aide d’Isolde De Buck et de Benjamin Foudral, qui prépare le catalogue raisonné du peintre, Frédérique Thomas-Maurin a réuni 44 dessins et peintures pour une présentation chronologique. On y découvre un virtuose qui s’est inspiré de Courbet et de Jules Bastien-Lepage comme des symbolistes et des préraphaélites pour construire une œuvre reflétant ses idéaux socialistes et chrétiens.
Chez Frederic, les paysans et les ouvriers sont montrés sans pathos dans leur simple humanité. Les deux grandes toiles Les Fillettes et Les Garçons, issues de l’impressionnante série « Les Âges du paysan » (1885-1887) représentent frontalement des enfants graves, dont certains sont handicapés. Mais, profondément croyant, le peintre ne dramatise pas. Il écrira : « J’ai rêvé leur état futur amélioré, théorique peut-être, et je l’ai peint. » En témoignent les œuvres symbolistes de la deuxième moitié de sa carrière, étonnantes, voire déroutantes pour certains, où des anges s’ébattent dans des prairies fleuries et où les travailleuses se réincarnent en Vierges à l’Enfant.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°507 du 21 septembre 2018, avec le titre suivant : Léon Frederic, pour un réalisme idéalisé, une société exaltée