« Une femme est endormie dans un lit à baldaquin dont les colonnes torsadées sont tenues par des jeunes femmes drapées. »
La description que donne l’artiste lui-même de son tableau de 1943, intitulé Vénus endormie, et à laquelle on peut ajouter que la scène se passe sur fond d’architectures désertées et de cieux immenses, suffit à définir le climat étrangement classique de l’univers du peintre. Une atmosphère surréaliste qui doit tout à la découverte que fait Delvaux à Paris de l’œuvre de De Chirico en 1926-1927. De fait, il y a entre les deux hommes une affinité élective, notamment ce goût déclaré, quasi scénographique pour l’espace, les lignes de fuite, la lumière crue, les jeux d’ombre et le suspens. Mais, à la différence de l’Italien, le monde de Delvaux, qui n’adhèrera jamais au surréalisme, renvoie à une symbolique obsessionnelle mêlant l’évocation d’un passé historique à celle d’un quotidien ou d’une mémoire d’enfance. Architectures à colonnes, gares semi-désertes, intérieurs de wagons, théories de figures féminines, pâles, souvent nues, et squelettes composent l’essentiel du vocabulaire formel de l’artiste. Paul Delvaux n’avait pas son pareil pour conjuguer l’antique et le moderne, la froideur et la sensualité, le dedans et le dehors, la distance et l’intimité. Proprement statufiés, ses personnages semblent n’appartenir à aucun âge, sinon un âge défunt, un âge d’outre-tombe. Mystère, érotisme, fantastique, rituel, l’œuvre de ce peintre hors norme s’inspire du réel comme pour mieux lui échapper.
GENÈVE, Petit Palais, 4 novembre-13 février.
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L’énigmatique Monsieur Delvaux
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°511 du 1 novembre 1999, avec le titre suivant : L’énigmatique Monsieur Delvaux