Le Musée des beaux-arts de Nancy rappelle que l’Art nouveau fut aussi un projet industriel.
Nancy. Paris, mars 1903 : l’Union centrale des arts décoratifs accueille l’exposition de l’Alliance provinciale des industries d’art – ou « École de Nancy ». Émile Gallé signe la préface du catalogue, commençant par ces lignes : « Le nom d’École de Nancy sert à désigner le groupe des industries artistiques de l’est de la France et les tendances qui les caractérisent. Plus particulièrement, c’est aussi une association d’initiative privée, une Alliance provinciale des métiers d’Arts. [sic] » L’association avait été créée en février 1901 et, en 1903, Gallé en énonce le nom des membres du bureau « élu pour quatre années : Émile Gallé, président, Louis Majorelle, Antonin Daum et Eugène Vallin, vice-présidents ».
L’exposition du Musée des beaux-arts de Nancy présente ce groupe d’industriels d’art, « une notion qui n’est pas toujours évidente lorsque, par exemple, on visite le Musée de l’École de Nancy », constate Valérie Thomas, directrice de ce musée et commissaire de l’exposition.
Est d’abord évoquée, à travers de nombreuses photographies, la vie de quatre entreprises : Gallé, Daum, Majorelle et la fabrique de tissus d’art Fridrich. On y voit les ouvriers spécialisés et ceux que nous appellerions aujourd’hui les designers. La formation des dessinateurs et les processus de création sont ensuite analysés, depuis les dessins d’après les fleurs du jardin, les photographies ou l’herbier de l’usine jusqu’aux maquettes, en passant par les plâtres. Des modèles en cire et en plastiline (cire synthétique) de Gallé ont été acquis en 2015 par le Musée de l’École de Nancy et sont exposés pour la première fois.
La question de la modernité est posée dans un deuxième temps. En industriels avisés, les membres de l’École de Nancy ont à la fois continué à produire des modèles anciens et proposé des objets du nouveau style à une clientèle moins frileuse. Les choix industriels (les déclinaisons abordables des pièces uniques, le pari des luminaires électriques, la création de miniatures pour les collectionneurs), la protection des modèles et des brevets ainsi que la communication sont abordés ici. Par exemple, la robe Bord de rivière au printemps (1900) conçue par Victor Prouvé pour la maison Courteix, trop fragile pour être portée mais exposée et souvent publiée à l’époque, constitua un investissement publicitaire pour le créateur et son partenaire.
L’École de Nancy se proposait de rénover le cadre de vie dans sa globalité. C’est ce que montre la suite de l’exposition qui s’intéresse à l’architecture, aux petits éléments décoratifs et au métier d’ensemblier-décorateur que pratiquaient par exemple la maison Majorelle ou Vallin. Enfin, les lieux et modes de diffusion sont étudiés, depuis les reconstitutions de pièces d’habitation dans les grands magasins jusqu’aux catalogues de vente illustrés. L’imprimerie – publicités, catalogues, menus et affiches – est le dernier volet de cette exposition dont les œuvres et archives proviennent essentiellement des musées et de la bibliothèque municipale de Nancy, du Musée d’Orsay, du Musée des beaux-arts de Lyon, de collections privées et du Glasmuseum Hentrich (Museum Kunstpalast de Düsseldorf) qui possède de très belles collections de verres. Elle est accompagnée d’un catalogue très instructif sur l’aspect industriel qu’ont voulu, dès l’origine, les partenaires de l’École de Nancy.
jusqu'au 3 septembre, Musée des beaux-arts, 3 place Stanislas, 54000 Nancy.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°505 du 6 juillet 2018, avec le titre suivant : L’École de Nancy, art et activité Économique