VERSAILLES
L’un est italien, les deux autres français : Jean-Baptiste Nini, Étienne-Maurice Falconet et Louis-Simon Boizot font respectivement l’objet d’une exposition à Blois, Sèvres et Versailles. Trois opportunités de découvrir et de redécouvrir l’œuvre de trois artistes du XVIIIe siècle à mi-chemin de la sculpture et des arts décoratifs.
BLOIS / SÈVRES / VERSAILLES - Si nombre de ses œuvres sont conservées à Blois et à Chaumont, où il a vécu, c’est peu dire que Jean-Baptiste Nini (1717-1786) reste largement méconnu. Après Urbino, cet été, l’exposition qui lui est consacrée au château de Blois pourrait aider à mieux valoriser sa contribution spécifique à un art discret, celui du profil en médaillon. S’inscrivant dans une longue tradition remise à l’honneur à la Renaissance, l’artiste italien devait donner une orientation nouvelle à ce genre, en y introduisant une subtilité psychologique, étrangère au portrait d’apparat tel qu’il s’affichait sur les médaillons d’un Fontaine par exemple. Les sculpteurs romantiques comme David d’Angers sauront s’en souvenir. Plutôt qu’un tirage en bronze, Nini édite ses œuvres en terre cuite, un matériau peut-être plus respectueux des nuances.
Formé à Bologne, il séjourne en Espagne, et arrive en France en 1758, doté d’une réputation de graveur, spécialisé dans le paysage. Après avoir travaillé à la Charité-sur-Loire, il est invité par Jacques-Donatien Leray de Chaumont à s’installer sur ses terres en 1772. Et noue avec lui un partenariat commercial. Tous les membres de la famille Leray ont droit à leur profil en médaillon. Sa méthode est bien mise en évidence dans le parcours : il réalise d’abord un modèle en cire, puis un moule en terre. Les épreuves en terre cuite seront exécutées d’après cette matrice. Perfectionniste, il retravaillait souvent le tirage avant la cuisson. Pour les membres de son entourage comme la famille Leray, il crée évidemment d’après nature, n’ayant aucune difficulté à obtenir une séance de pose du modèle. Paradoxalement, quand il travaille d’après une gravure ou une médaille, il parvient à un degré comparable de sensibilité, et apporte toujours un grand soin aux détails. C’est vrai notamment pour les portraits de souverains (Marie-Antoinette, Catherine II...).
La dernière salle se présente comme une société en réduction, fort intelligemment mise en scène dans les anciens rayonnages de la bibliothèque. Avec un profil en silhouette sur fond coloré en arrière-plan, les portraits en médaillon de Nini sont regroupés par catégories sociales : souverains, aristocrates, ecclésiastiques, marchands, artistes et écrivains... Reste à savoir quel état d’esprit présidait à la constitution de galeries de portraits contemporains destinés, contrairement aux peintures, à la contemplation individuelle ?
Les biscuits de Falconet
À la frontière de la sculpture et des arts décoratifs, deux sculpteurs français du XVIIIe siècle, Étienne-Maurice Falconet (1716-1791) et Louis-Simon Boizot (1743-1809) font l’objet d’une exposition, l’un à Sèvres, l’autre à Versailles, au Musée Lambinet. À côté de leur activité propre, tous deux ont dirigé l’atelier de sculpture au sein de la Manufacture royale de Sèvres, fournissant des modèles pour l’édition de biscuits en porcelaine ou pour divers objets décoratifs. Directeur de la Manufacture, Jean-Jacques Bachelier avait senti la nécessité de confier à un “professionnel de la profession” la responsabilité de l’atelier de sculpture. Son ami Falconet assurera cette fonction de 1757 à 1766, jusqu’à son départ pour la Russie où l’appelle Catherine II. L’esprit de François Boucher domine les premières productions réalisées sous sa direction, dites les Enfants Falconet. Comprenant le parti qu’il pouvait tirer de cette technique pour la diffusion de son œuvre, Falconet fait réaliser de nombreuses éditions de la Baigneuse ou de Pygmalion et Galatée, deux de ses sculptures les plus célèbres. La technique du biscuit de porcelaine, développée à l’instigation de Bachelier, restitue certes la blancheur du marbre, mais ne retrouve pas la merveilleuse sensibilité des modèles en terre cuite. Si d’aucuns ont parfois jugé mièvres certaines de ses productions, le Silène entouré de nymphes alanguies, un groupe en terre cuite sans doute de sa main, distille une trouble sensualité.
De Marie-Antoinette à la Révolution
Après un long intermède provoqué par le départ de Falconet en Russie, la direction de l’atelier de sculpture est confiée à Louis-Simon Boizot (1743-1809), qui exercera cette fonction de 1773 à 1800. Les sculptures monumentales, telles le Saint Jean-Baptiste de l’église Saint-Sulpice, n’ayant pu être déplacées, l’exposition insiste naturellement sur cette facette de son art. Une centaine de modèles sont réalisés d’après ces dessins ! La continuité avec son prédécesseur se fait sans heurts car, ainsi que le note Thérèse Picquenard dans le catalogue, “c’est à Falconet que Boizot doit son goût des gracieuses attitudes, des lignes doucement ondulées, des corps nus aux attaches fines, des visages aux traits réguliers, à la bouche menue et au menton court”. Très inspiré également par l’art de Versailles (Girardon...), cet élève de Michel-Ange Slodtz a souvent été perçu comme un artiste secondaire, palliant par des emprunts variés un manque de personnalité. Son talent de portraitiste, apprécié par Marie-Antoinette, semble pourtant incontestable, même si le catalogue raisonné montre qu’il ne constitue qu’une partie de son activité. Partisan de la Révolution, il recevra des commandes importantes sous le Consulat et l’Empire, à commencer par la célèbre Fontaine du Palmier, sur la place du Châtelet à Paris.
- PORTRAITS SCULPTÉS DES LUMIÈRES AU ROMANTISME, AUTOUR DE JEAN-BAPTISTE NINI (1717-1786), jusqu’au 27 janvier,
Château de Blois, place du château, 41000 Blois, tél. 02 54 90 33 33, tlj sauf jf 9h-12h30 et 14h-17h30. Catalogue, éd. Motta.
- FALCONET À SÈVRES 1757-1766, jusqu’au 4 février,
Musée national de la céramique, place de la Manufacture, 92310 Sèvres, tél. 01 41 14 04 20, tlj sauf mardi et certains jours fériés 10h-17h. Catalogue, éd. RMN, 290 F
- LOUIS-SIMON BOIZOT, 1743-1809, jusqu’au 24 février
Musée Lambinet, 54 boulevard de la Reine, 78000 Versailles, tél. 01 39 50 30 32, tlj sauf lundi et jf 14h-17h45, mercredi 13h-17h45, vendredi 14h-16h45. Catalogue, éd. Somogy, 335 p., 347 F.
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Le XVIIIe en miniature
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°137 du 23 novembre 2001, avec le titre suivant : Le XVIIIe en miniature