La renommée est décidément une divinité bien capricieuse et versatile ! Les artistes ayant connu la gloire avant de sombrer dans l’oubli hantent nos musées, jusqu’à ce que de bonnes fées s’attellent à les sortir des limbes.
Dernier rescapé en date : Joseph Bernard. Le Musée Paul Dini, en collaboration avec La Piscine, travaille à la réhabilitation de cette figure majeure dont la célébrité s’est rapidement émoussée après une carrière brillante. De son vivant, Bernard apparaissait pourtant comme un sculpteur de premier plan, du même calibre que Bourdelle ou Maillol. L’exposition, et la solide publication qui l’accompagne, entendent lui rendre la place qu’il mérite, celle d’un artiste original à mi-chemin entre Rodin et l’Art déco. Le parcours retrace avec justesse l’évolution de ce chantre de la taille directe, tout en mettant en lumière les deux tropismes qui font le sel de son œuvre : son sens inné du mouvement et la ferveur avec laquelle il forge des effigies féminines. Connu comme le sculpteur de la femme, il a en effet légué à la postérité des images aussi fortes que séduisantes du beau sexe. C’est ainsi une véritable farandole de jeunes filles à la cruche, de danseuses, de cariatides et de bacchantes qui se déploie sous la verrière du musée. La scénographie sobre, aérée et dynamique, permet à ces corps de pierre et de bronze de se délier. Cette réunion au sommet permet aussi à la production de Bernard de retrouver unité et cohérence, par-delà la pluralité de ses styles.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°739 du 1 décembre 2020, avec le titre suivant : Le retour en grâce de Bernard