Le grand retour d’Eva Aeppli

Elle est pourtant l’autrice d’une œuvre originale dont certaines réalisations, comme le Groupe de 13, conservé au Centre Pompidou, sont puissamment ancrées dans l’imagier de l’art contemporain. Eva Aeppli est décédée en 2015 dans un silence assourdissant, à 90 ans et deux jours, soit à l’âge d’avoir pourtant marqué les esprits. Née en 1925 à Zofingue (Suisse), l’artiste a été l’épouse de Jean Tinguely, l’amie de Niki de Saint Phalle et la complice de Jean-Pierre Raynaud et Daniel Spoerri. Elle a fréquenté Brancusi lorsqu’ils occupaient chacun, dans les années 1950, un atelier de l’impasse Ronsin, été exposée par Iris Clert et Alexandre Iolas, et ses œuvres ont été acquises par Pontus Hultén (ancien directeur du Moderna Museet et du Centre Georges Pompidou). L’exposition que lui consacre le Centre Pompidou-Metz est étonnamment la première d’envergure (tout un étage) organisée en France, son pays d’élection. « Le Musée sentimental d’Eva Aeppli » n’est pas à proprement parler une rétrospective, même si elle couvre la « carrière » de l’artiste : ses poupées, ses peintures et ses Livres de vie, véritables carnets intimes de l’artiste. Les œuvres majeures sont là, à l’instar de La Table, version contemporaine de La Cène, et du Groupe de 48, impressionnant cortège de quarante-huit fantômes de plus de deux mètres habillés d’une robe noire. Mais elles ne sont pas seules : l’exposition a la bonne idée de les présenter à côté de celles de ses amis du Nouveau Réalisme, comme de celles d’artistes de son panthéon (Masereel, Kollwitz…) ou qu’elle a pu inspirer (Louise Bourgeois, Annette Messager…). L’ensemble tient formidablement, ce qui confirme la force de l’œuvre d’Eva Aeppli comme l’absolue nécessité de la présenter aujourd’hui.