À la fin des années 1960, le peintre britannique, installé en Californie, peint des images qui vont entrer dans l’imaginaire collectif.
Quatrième d’une famille de cinq enfants, installée à Bradford dans le Yorkshire de l’Ouest (Angleterre), David Hockney fait très jeune le choix de devenir artiste. En 1953, âgé de 16 ans, il entre à l’école d’art de Bradford où il apprend le dessin, sous l’influence de professeurs adeptes d’un réalisme social défendu par ce qu’on a appelé le mouvement du Kitchen Sink (« évier de cuisine »). Puis, en 1959, direction Londres. Il intègre le Royal College of Art dont il sortira diplômé en 1962. Contrairement à d’autres jeunes artistes anglais, il n’est pas très attiré par l’expressionnisme abstrait américain, lui préférant le versant anglais incarné notamment par Alan Davie, son aîné. Il est également marqué par des artistes comme Francis Bacon, Jean Dubuffet ou encore Pablo Picasso auquel il emprunte la liberté de style. Sa Demonstration of Versatility (1962) pourrait s’apparenter à un manifeste de ce puissant désir de ne se soumettre à aucun style – de même qu’il revendique une totale liberté dans le choix des sujets. En 1961, il fait partie de la célèbre exposition « Young Contemporaries » avec des artistes comme R.B. Kitaj, Allen Jones et Patrick Caulfield… Nourris par leur environnement immédiat, tous ces artistes n’hésitent pas à introduire dans leurs œuvres des graffitis ou des références aux médias. mêlant culture populaire et culture élitiste. Les critiques de l’époque parlent alors d’une nouvelle génération de pop artists anglais…
Après un premier voyage à New York où il rencontre Andy Warhol, et un premier séjour à Los Angeles, Hockney décide en 1964 de s’installer sous le soleil de la côte Ouest des États-Unis. Il devient l’imagier d’une Californie solaire et hédoniste, hermétique aux problématiques d’ordre politique et social. « Mon Dieu, cette place a besoin de son Piranèse. Los Angeles peut avoir son Piranèse, me voici ! », déclare-t-il. De 1964 à 1968, il réalise des peintures qui allaient devenir de véritables icônes, à l’instar du Bigger Splash (1967) qui donna par la suite son nom au film tout aussi mythique réalisé par Jack Hazan en 1974. Afin de répondre à l’intensité de la lumière californienne et à l’orthogonalité stricte de son architecture, dès son arrivée, Hockney se met à peindre à l’acrylique des images précises, sans épaisseur, quasi immatérielles. « La découverte de la Californie par Hockney est à son art ce que la révélation de la Provence a pu être à Van Gogh, la Méditerranée à Henri Matisse », souligne Didier Ottinger, commissaire de la rétrospective du peintre au Centre Pompidou.
Au programme : luxe, calme et volupté. Le temps suspend son vol. À travers une observation dénuée de tout pathos, sous un ciel bleu azur, il représente des bâtiments modernistes du milieu du siècle, des scènes d’intérieur de villas luxueuses, mais aussi et surtout des piscines entourées de quelques palmiers où l’on croise parfois un jeune homme nu et bronzé au corps d’athlète. « L’enfant de l’Angleterre de l’après-guerre jette un regard empreint d’une ironie subtile sur ce monde aussi ordonné que superficiel. Ces représentations transforment le cadre de la vie quotidienne de l’opulente Amérique en décor d’un théâtre du vide existentiel, de la sociabilité mécanique et normée », analyse Didier Ottinger.
Si Hockney peut être rattaché au pop art, c’est à « un pop art “Painterly” attaché à la gestuelle graphique, à la touche picturale », poursuit ce dernier. La stylisation des formes et les aplats de couleur vont dans le sens d’une simplification moderniste anti-illusionniste, sans jamais renoncer toutefois à la figuration. Hockney entretient ainsi un dialogue subtil et ironique avec le formalisme abstrait qui domine alors les États-Unis. C’est ainsi que Chris Stephens, commissaire de la rétrospective consacrée à la Tate Gallery de Londres, suggère une allusion à l’expressionnisme abstrait dans les trois peintures de plongeon que sont A Bigger Splash, The Splash et The Little Splash. Les lignes nettes et précises de la piscine sont perturbées par un brouillage à l’endroit du plongeon, comme pour mimer la gestualité expressionniste propre aux artistes américains comme Jackson Pollock. De même, ses buildings modernistes et ses gazons tondus au cordeau pourraient être une allusion à la grille de l’art minimal, tandis que sa manière de traiter l’eau des piscines pourrait rappeler les arabesques de l’Hourloupe de Jean Dubuffet ou encore les abstractions cinétiques de Bridget Riley. Oscillant dans une tension permanente entre réalisme et artifice, ces images de latence et d’hédonisme sont entrées dans notre imaginaire collectif. « Par ses scènes de vacuité, sans pathos, campées sous un soleil définitif qui semble éternel, David Hockney a participé à façonner l’image mythique de Los Angeles », souligne Thierry Raspail, commissaire de l’exposition sur la scène de Los Angeles au Mac’s de Lyon.
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Le David Hockney historique
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°702 du 1 juin 2017, avec le titre suivant : Le David Hockney historique