Joseph Cornell n’est jamais allé en Europe – il n’a d’ailleurs pratiquement pas quitté New York –, mais il a baigné dans le Surréalisme dès son association, en 1931, avec Julien Levy, le marchand new-yorkais qui a fait connaître le mouvement au public américain. Ses constructions subtiles sont réunies à Houston, à l’occasion du dixième anniversaire de la Menil Collection, pour la plus grande rétrospective Cornell organisée depuis 1977.
HOUSTON. Walter Hopps a sélectionné pour cette rétrospective soixante-quinze œuvres de Joseph Cornell, parmi lesquelles des films et des collages peu connus, ainsi que ses célèbres shadowboxes. Ces “petites merveilles de théâtre statique”, comme se plaît à les nommer le commissaire de l’exposition, sont des boîtes en forme de vitrine qui contiennent des fragments d’écriture, des objets trouvés et des échantillons tendrement assemblés, évoquant des lieux et des temps éloignés avec une intensité bouleversante. L’artiste qualifiait ces œuvres graves de “poèmes picturaux”, dans le style d’Ezra Pound, de T.S. Eliot et d’Emily Dickinson. Même si les shadowboxes ont parfois été inspirées par le monde de l’enfance – et quelques-unes offertes à des enfants –, elles n’ont jamais été les jouets puérils que certains y voient. Pour Cornell, ces boîtes constituaient au contraire des “témoignages” d’un soudain état de grâce. La Medici Slot Machine, de 1942, et le Soap Bubble Set (Système de Descartes), de 1954-1956 – où une rangée de verres à vin contenant de petits objets active un système de sonnettes –, font partie des pièces phares exposées. L’œuvre rend hommage à la théorie élaborée par Descartes d’un univers rationnel, mais suggère en même temps, de façon ironique, un stand de foire des plus ordinaires. L’exposition présente également quelques-uns de ses Goofy Newsreels, les films qu’il a réalisés en reprenant des séquences de productions hollywoodiennes. Lors de la première projection de Rose Hobart (1937), qui coïncidait avec une exposition des surréalistes au MoMA de New York, Salvador Dali, présent dans la salle, était entré dans une colère noire et, fou de jalousie, avait renversé le projecteur et giflé Cornell en l’accusant de lui “voler ses idées.” Plus tard, l’Américain s’est vengé : il a pris une œuvre de Dali qu’il possédait et l’a enterrée dans un endroit connu de lui seul, à Flushing, dans le Queens, où elle doit encore se trouver.
JOSEPH CORNELL, jusqu’au 4 janvier 1998, Menil Collection, 1511 Branard Street, Houston, tél. 1 713 525 9400, tlj sauf lundi et mardi 11h-19h.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
L'art mis en boîte
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°48 du 21 novembre 1997, avec le titre suivant : L'art mis en boîte