PARIS
Une fois n’est pas coutume, c’est moins l’architecte et son œuvre achevée qui sont, ici, à l’honneur, que le temps de la construction et des individus qui la façonnent.
Ainsi se décline, de manière chronologique, cette exposition fournie qui réunit un ensemble de pièces hétéroclites produites par des ouvriers, ingénieurs, entrepreneurs, architectes et artistes, y compris des chefs-d’œuvre de compagnons charpentiers ou d’étonnants ex-voto. Le fil conducteur du parcours est celui de l’exploit technique. La raison ? Il est l’un des plus anciens et des plus médiatiques de l’iconographie du chantier, depuis cette photographie sépia représentant le viaduc ferroviaire de Garabit en pleine édification, alors qu’il ne franchit pas encore les fameuses gorges de la Truyère, jusqu’à ce stupéfiant film montrant, en temps accéléré, l’érection d’une tour, en Chine, entièrement réalisée en… quinze jours, en passant par ce cliché en noir et blanc signé Robert Doisneau de la Maison des jours meilleurs que Jean Prouvé a dessinée en 1956 pour l’abbé Pierre, en train d’être déposée par une grue sur le quai Alexandre-III, à Paris. L’exposition décrypte soigneusement tous les aspects de ce « spectacle » de la construction : la représentation des activités techniques – tels les splendides dessins de l’architecte anglais John Soane et de ses élèves –, puis de la mécanisation, le chantier comme lieu d’expérimentation formelle ou comme creuset des luttes sociales, ses aspects dérangeants (bruit, accidents… –, sans oublier son esthétique et son imaginaire, lesquels éveilleront, dès la seconde moitié du XIXe siècle, l’attention non seulement des profanes, mais aussi des écrivains, journalistes et autres artistes. Bref, « quel chantier » !
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°719 du 1 janvier 2019, avec le titre suivant : L’art de construire ou de démolir, et vice versa