L’art dans la ligne de mire

L’enjeu pour les tireurs consiste à tirer sur une cible afin d’exercer leur habileté. Une fois criblées de balles, les cibles, représentant souvent des animaux ou des personnages, avaient valeur de trophées pour les vainqueurs des compétitions. Le Musée de la chasse et de la nature expose une cinquantaine de cibles anciennes, principalement conservées dans les musées de Croatie, en les confrontant à des réalisations récentes utilisant le motif de la cible ou révélant le « regard prédateur » du créateur qui capture le réel afin de créer des pièces au fort impact visuel.

Voilà une expo qui fait mouche : le visiteur traverse les salles tamisées du musée (salle d’armes, salon bleu, antichambre, etc.) pour tomber nez à nez avec des œuvres aux agencements centripètes qui attirent indéniablement l’attention. Les compositions concentriques d’un Jasper Johns ou d’un Nicolas Chardon hypnotisent. Et l’art comme instrument de capture (par l’image) trouve son expression idoine dans la figuration de « corps-cibles » évoquant le martyre de saint Sébastien (Shirin Neshat, Pierre & Gilles, Alain Séchas…). Enfin, les productions s’inscrivant dans une pratique violente de l’art, comme les toiles perforées de Fontana ou les Tirs à la carabine de Niki de Saint Phalle, sont manifestement celles qui tirent dans le mille parce qu’elles combinent joyeusement création et destruction, désir et mort, Éros et Thanatos.