Le Musée Jacquemart-André à Paris célèbre les multiples talents de Nicolas de Largillierre (1656-1746), portraitiste accompli mais aussi peintre d’histoire et de natures mortes.
PARIS - Du peintre Nicolas de Largillierre on connaissait surtout La Belle Strasbourgeoise, son portrait le plus célèbre. Autour de cette ravissante inconnue revêtue du costume alsacien, le Musée Jacquemart-André à Paris a réuni une soixantaine d’œuvres (tableaux et dessins) de l’artiste. Des portraits bien sûr, mais aussi des tableaux d’histoire et des natures mortes, qui révèlent l’étendue et la variété de son art. Dans son Abrégé de la vie des plus fameux peintres (1745-1752), Antoine Joseph Dezallier d’Argenville s’enthousiasmait : « Le génie de cet homme rare s’étendait à tout. » Aux natures mortes tout d’abord, genre dans lequel le peintre fit ses armes au cours de sa jeunesse anversoise. Fils d’un marchand chapelier parisien, Largillierre n’a que 3 ans lorsque sa famille s’installe dans la ville flamande. À 12 ans, il entre dans l’atelier d’Antoine Goubeau, un spécialiste sans génie de bambochades italianisantes. Cet apprentissage lui permet d’acquérir un métier parfait et un dessin très précis, aptitudes dont témoigne notamment l’éblouissant Vase de fleurs (1677), dynamique assemblage de roses, tulipes, œillets et bleuets inspiré de la tradition nordique. Largillierre évoluera ensuite vers des toiles plus allusives et décoratives, jusqu’à anticiper l’art méditatif d’un Chardin (Nature morte à l’aiguière, 1720-1730).
L’exposition évoque également le talent de paysagiste de l’artiste, en présentant son seul paysage connu à ce jour. Conservé au Louvre, ce sous-bois touffu (1700-1710) peint dans une gamme très chaude de bruns, ocre et orangés annonce déjà Watteau. « Si Chardin retint la leçon du peintre de nature morte, il n’est pas douteux que Watteau se soit longuement arrêté sur les paysages de Largillierre », souligne Dominique Brême, commissaire de l’exposition et spécialiste de l’œuvre de l’artiste, dans le catalogue qui accompagne la rétrospective.
L’artiste se montre peut-être moins inspiré dans la peinture d’histoire. Ne représentant qu’une part infime de sa production, ce domaine a fait l’objet de récentes redécouvertes. Viennent ainsi d’être rendues au peintre une Nativité et une Adoration des mages (vers 1730), deux pendants où l’on a toutefois du mal à déceler la main de Largillierre tant le dessin paraît schématique et les gestes mécaniques. Plus convaincants sont les deux tableaux de la série sur la passion du Christ (L’Entrée du Christ à Jérusalem, 1705-1715, et Le Portement de croix, 1715-1720), ainsi que le Moïse sauvé des eaux (1728) du Louvre, auquel l’artiste confère une grâce très théâtrale. Leur succèdent quelques rares dessins encore conservés, puissantes académies (Titan foudroyé, 1706), croquis de portraits ou études de mains.
Portraitiste inspiré
C’est toutefois dans le portrait que Largillierre excelle, et cette exposition, en confrontant les différents aspects de son œuvre, en apporte la confirmation. Quintessence de son art, ce genre lui permet d’exprimer la diversité de son talent : on retrouve en effet ses qualités de paysagiste dans les arrière-plans de ses portraits (Mademoiselle de La Fayette, 1697), ou encore son goût prononcé pour la nature morte et les ornements décoratifs. Le peintre n’a pas son pareil pour rendre l’aspect chatoyant d’une étoffe, la légèreté d’une dentelle ou la richesse d’une broderie. Beaucoup moins ronflant que son contemporain Hyacinthe Rigaud, avec qui il partageait une clientèle d’aristocrates et de riches bourgeois, Largillierre apporte au portrait « un métier des plus accomplis » et « le vocabulaire élégant et précieux des grands portraitistes anglais, au premier rang desquels figurait bien sûr Peter Lely », explique Dominique Brême. Ses modèles n’ont pas de caractéristiques psychologiques marquées, mais charment par l’aisance de leur attitude et la magnificence de leurs atours, aux couleurs audacieuses (Portrait d’un jeune gentilhomme inconnu, vers 1685 ; Portrait d’homme en chasseur, 1725-1727). Dezallier d’Argenville le surnommera à juste titre le « Van Dyck français »...
Jusqu’au 30 janvier 2004, Musée Jacquemart-André, 158 bd Haussmann, Paris, tél. 01 45 62 11 59. Catalogue, éd. Phileas Fogg, 192 p., 39 euros.
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Largillierre, le Van Dyck français
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°180 du 7 novembre 2003, avec le titre suivant : Largillierre, le Van Dyck français