Le département des Estampes et de la Photographie de la Bibliothèque nationale de France possède un fonds considérable de dessins (plus de cent mille feuilles). Une exposition en propose une centaine de la Renaissance, à l’occasion de la « Semaine » et du Salon du dessin (cf. p. 99-103).
L’importance du fonds de dessins de la Bibliothèque nationale de France est due en partie à l’histoire du cabinet des Estampes. Celui-ci fut créé en 1667 au moment de l’acquisition par Colbert de la collection de l’abbé de Marolles (cent vingt mille estampes et dessins). Puis il s’étoffa considérablement en 1861, lorsque le cabinet eut l’autorisation de puiser dans les collections de dessins de la bibliothèque Sainte-Geneviève. En réalité, sa vocation de conservatoire de l’image autorisait le cabinet à collecter aussi bien estampes que dessins. Le choix de ces derniers, cependant, répond à certains critères : les dessins à valeur documentaire dominent (topographie, architecture, archéologie, histoire nationale, arts du spectacle et du décor…) ; par ailleurs on privilégie les œuvres des peintres-graveurs. Ce fonds est donc bien différent des collections à vocation « artistique », qui tendent à réunir les grands noms et les grandes écoles, même si, par son ampleur et sa richesse, il peut rivaliser avec celles-ci.
L’exposition présente une centaine d’œuvres de la Renaissance européenne. Elle se découpe en plusieurs sections. Les écoles du Nord en constituent un des points forts, avec un groupe de neuf œuvres de Dürer, pour la plupart célèbres : Le Moulin aux saules, peint à l’aquarelle, un de ses plus beaux paysages ; la Tête de cerf, typique étude d’après nature, d’un réalisme enchanté ; les deux Tête de jeune garçon et l’Étude pour une Sainte Vierge, peints à la détrempe sur toile fine, et qui sont presque des tableaux.
Le goût de l’Antique est illustré par des dessins d’antiquités romaines dus essentiellement à des artistes nordiques (Jan Gossaert, Jan Van Scorel, Maarten Van Heemskerck, Frans Floris…). On remarquera, entre autres, de très intéressantes représentations de la cour des antiques du cardinal della Valle, soigneusement mise en scène.
Les deux albums de dessins d’archéologie et d’orfèvrerie du cabinet de Peiresc sont une des raretés de l’exposition. Nicolas-Claude Fabri de Peiresc (1580-1637), conseiller au parlement de Provence, humaniste curieux de toutes sciences, ami de Galilée et de Gassendi, constitua dans sa maison d’Aix-en-Provence un remarquable cabinet de curiosités qui faisait la part belle aux antiquités romaines. Il faisait dessiner ou achetait les dessins des pièces les plus remarquables. Peiresc compléta ces représentations d’originaux romains (dues entre autres à Charles Errard) par des dessins de pièces d’orfèvrerie déclinant le répertoire ornemental de l’Antiquité (extraordinaire Modèle pour le casque de l’armure d’Alexandre Farnèse, par Andrea Casalini).
L’école italienne est représentée essentiellement par des feuilles d’artistes maniéristes, dont un nu de Francesco Salviati, aussi beau qu’un Pontormo. Mais le « clou » de cette section est le Tarot dit de Charles VI, datant de la fin du XVe siècle, et dont il ne reste plus que dix-sept cartes (sur soixante-dix-huit). Les tarots peints, émanation d’une culture à la fois médiévale et humaniste, étaient des jeux éducatifs dont l’iconographie emblématique mêlait les références aux pouvoirs spirituel et temporel, aux vertus cardinales, aux allégories chrétiennes, à la culture populaire, aux planètes. La beauté de ce tarot enluminé, enrichi d’or et d’argent, ne laisse aucun doute sur le rang élevé du commanditaire, même si la véritable identité de celui-ci reste inconnue.
L’école française constitue l’autre point fort de l’exposition, avec notamment une quinzaine de ces portraits aux deux ou aux trois crayons, si prisés à la cour de France. La Bibliothèque possède plusieurs centaines de ces portraits dont les plus beaux sont dus à François Clouet et à certains de ses émules. On notera, parmi les curiosités, une miniature représentant François Ier en déité composite, où le monarque barbu et en robe accumule les attributs de Mars, Minerve, Mercure et l’Amour.
L’art de Fontainebleau est amplement représenté, en particulier par L’Histoire de la reine Artémise, magnifique suite de dessins réalisée par Antoine Caron et son entourage pour une tenture à la gloire de Catherine de Médicis. Mais aussi par les feuilles de Jean Ier de Gourmont, Jean Cousin le fils, Henri Lerambert, Toussaint Dubreuil, Ambroise Dubois...
« Dessins de la Renaissance : collections de la Bibliothèque nationale de France » se déroule du 24 février jusqu’au 4 avril, tous les jours sauf le lundi de 10 h à 19 h, le dimanche de 12 h à 19 h. Tarifs : 3 et 2 euros. BNF, site Richelieu, 58 rue de Richelieu, IIe, galerie Mazarine, tél. 01 53 79 59 59, www.bnf.fr
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La Renaissance en dessin
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°556 du 1 mars 2004, avec le titre suivant : La Renaissance en dessin