PARIS
Le Musée du Quai Branly-Jacques Chirac ouvre le bal des expositions de photographie du Louvre Abu Dhabi avec l’exploration des débuts du médium en dehors de l’Europe.
L’investigation menée depuis six ans sur le sujet par Christine Barthe, responsable des collections et acquisitions photo de l’établissement parisien, donne pour la première fois une vision globale de sa propagation de par le monde et de son appropriation, depuis l’annonce publique de l’invention de Daguerre par le député François Arago, le 7 janvier 1839. Placé à mi-parcours, l’immense planisphère interactif donne la mesure de la diffusion extrêmement rapide du procédé jusqu’en 1896 et de son inégale expansion d’une région à une autre. La forte concentration de travaux ou de studios sur les côtes orientales de l’Afrique tranche ainsi avec le reste du continent, comme l’extrême rapidité de l’introduction en Amérique du Sud et en Amérique centrale. L’exportation des pratiques et la reconstitution chronologique des circuits s’adossent aux voies commerciales, aux développements coloniaux et aux explorations. Les autres espaces de l’exposition rendent plus précisément ces diverses histoires fortes des collections du Musée du Quai Branly (près des deux tiers des pièces d’époque exposées) et de prêts d’autres institutions françaises. Les portraits et la pratique en studio dominent, compte tenu de l’encombrement du matériel, mais paysages, sites archéologiques, habitats, scènes de rue réservent d’autres merveilles. La scénographie laisse les corpus d’un même auteur se développer et le propos donner une large place aux pratiques locales, de la Colombie à Java, Canton ou La Mecque. Les cartels en arabe, français et anglais accompagnent au mieux la visite. Si l’on retrouve des grands noms de cette période, tels que Désiré Charnay, ou Johnston & Hoffmann, la grande majorité des photographes exposés est méconnue, tels le Colombien Louis García Hevia, l’Indonésien Kassian Cephas ou le Syrien Pascal Sébah, qui signe un panoramique de Constantinople époustouflant. L’engouement pour le médium pose toutefois dès ses débuts la question des limites de la prise de vue, qu’aborde la fin du parcours avec notamment les Hopis au Nouveau-Mexique, qui établirent très tôt des règles strictes.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°724 du 1 juin 2019, avec le titre suivant : La photographie adoubée de par le monde (ou presque)