« Je veux que les gens qui regardent mes peintures soient capables d’aller au-delà de la surface illusoire des toiles et de pénétrer dans un espace au sein duquel les idées qui sont dans ma tête se mêlent aux leurs. »
Ces mots de Rosenquist servent d’introduction à la magnifique exposition que consacre le Musée Ludwig de Cologne à cette icône du pop art décédée le 31 mars dernier. Ayant pris le parti d’un parcours thématique qui fait dialoguer des œuvres historiques des années 1960 à 1990 avec des productions récentes, les commissaires offrent au visiteur une expérience totale, à la fois visuelle, émotionnelle et intellectuelle, de la peinture de ce géant américain.
Comme en témoignent les toiles iconiques des débuts exposées dans la première salle, comme President Elect (1960-1964) ou I Love You With My Ford (1961), Rosenquist met très vite en place un vocabulaire et une technique qui ne varieront guère, en recourant au format monumental, au collage et à une imagerie publicitaire acidulée. Ce dernier point fait d’ailleurs l’objet d’un traitement particulier. Les équipes du musée ont en effet réussi à retrouver les exemplaires de Life Magazine dans lesquels Rosenquist a puisé ses images dans les années 1960 et 1970 et, chose totalement inédite, les ont exposés dans des espaces dédiés qui jalonnent le parcours. La présentation de ces archives ainsi que celle de collages originaux nous plonge dans les coulisses de la création.
Une place de choix est également réservée à la série monumentale The Swimmer in the Econo-mist (1997-1998) réalisée suite à sa visite de Berlin après la chute du mur. Malgré la neutralité revendiquée par l’artiste en bon artiste pop, cette série trahit un homme en prise avec les questionnements politiques, historiques et technologiques de son temps. Sa fascination pour le temps et l’espace fait aussi l’objet d’une immense salle qui rassemble trois tableaux quasi psychédéliques, dont le mythique paysage stellaire Star Thief (1980).
Pour la première fois dans l’histoire, sont rassemblées dans la dernière salle de l’exposition, les trois immenses panoramas réalisés pour Leo Castelli dans les années 1960, à savoir son œuvre clairement antimilitariste, F-111, mais aussi Horse-Blinders et Horizon Home Sweet Home. L’occasion unique de voir ces compositions réunies dans un même lieu ne se reproduira certainement pas avant longtemps.
« James Rosenquist, Plongez dans l’image »,
Musée Ludwig, Heinrich Böll Platz, Cologne (Allemagne), www.museum-ludwig.de
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°709 du 1 février 2018, avec le titre suivant : La peinture magnétique de James Rosenquist