ART CONTEMPORAIN

Plongée vertigineuse dans la peinture de James Rosenquist

Par Pauline Vidal · Le Journal des Arts

Le 13 décembre 2017 - 521 mots

L’exposition du Musée Ludwig de Cologne révèle la puissance magnétique et envoûtante de l’œuvre.

Cologne. La dernière star du pop art s’est éteinte le 31 mars dernier à l’âge de 83 ans, alors que se préparait son exposition au Musée Ludwig. Guidés par le fil rouge de l’immersion, l’exposition s’intitule « Painting as Immersion », les commissaires ont préféré concevoir, en lieu et place d’une rétrospective chronologique, un parcours thématique qui nous propulse au cœur de la peinture de Rosenquist. Des toiles historiques côtoient des œuvres des dernières années. « Je veux que les gens qui regardent mes peintures soient capables d’aller au-delà de la surface illusoire des toiles et de pénétrer dans un espace au sein duquel les idées qui sont dans ma tête se mêlent aux leurs. » C’est sur ces mots de l’artiste que s’ouvre la manifestation.

Peintre de panneaux publicitaires avant de s’installer en 1960 dans un studio à Manhattan où il côtoie les artistes pop, Rosenquist met très vite en place son vocabulaire. Le format monumental, mais aussi l’imagerie publicitaire, les couleurs, les collages, l’étrangeté qui s’en dégage concourent à envoûter le spectateur. Et comme le démontre à merveille l’exposition, l’immersion est tout autant visuelle et physique qu’émotionnelle et intellectuelle. Dans la première salle, la confrontation de President Elect (1960/1961), montrant JFK, et de I Love You with My Ford (1961), avec ses spaghettis quelque peu inquiétants, trahit la relation ambivalente, entre fascination et malaise, qu’entretient la peinture de Rosenquist avec la société américaine.

Une dimension politique
Une place de choix est accordée à la série The Swimmer in the Econo-mist (1997-98), peinte à la suite de sa visite à Berlin, après l’effondrement du Mur. Dans une facture qui ne doit rien à ce qu’on serait pourtant tenté de qualifier d’art post-Internet avant la lettre, l’artiste érige un monument en souvenir des troubles du XXe siècle, qui pourrait tout aussi bien être un hymne optimiste en direction d’une Allemagne en devenir. La dimension politique des œuvres de Rosenquist est évidente, même si elle est subtilement distillée et agencée au fil de l’exposition. Son obsession pour le temps et l’espace qui s’affirme dans les années 1980 est également évoquée dans une salle consacrée à trois tableaux quasi psychédéliques, dont le fameux paysage stellaire assorti d’une tranche de lard, Star Thief (1980).

Le parcours se clôt à l’étage dans une forme d’apothéose savamment orchestrée. Pour la première fois rassemblées, les trois peintures panoramiques conçues entre 1965 et 1970 pour la galerie de Léo Castelli sont exposées : le fameux F-111 qu’on cite souvent comme son unique œuvre antimilitariste, Horse-Blinders et Horizon Home Sweet Home.

Une des grandes réussites de « Painting as Immersion » repose aussi sur le choix d’exposer les archives et les études de collages dans des espaces distincts. Si certaines œuvres de Rosenquist ont déjà été montrées, exposer les numéros de Life Magazine qui l’ont inspiré est totalement inédit. L’équipe du Musée Ludwig a entrepris de retrouver les exemplaires originaux de ce magazine. L’immersion à laquelle nous invite la peinture de Rosenquist nous plonge aussi dans l’intimité du processus créatif.

Painting as Immersion,
jusqu’au 4 mars 2018, Musée Ludwig, Heinrich-Böll-Platz, Cologne (Allemagne).
Légende photo

James Rosenquist, I Love You with My Ford, 1961, huile sur toile, 210,2 x 237,5 cm, Moderna Museet, Stockholm © Estate of James Rosenquist. Photo : Prallan Allsten

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°491 du 15 décembre 2017, avec le titre suivant : Plongée vertigineuse dans la peinture de James Rosenquist

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