Le MartRovereto, en Italie, consacre une rétrospective à l’œuvre de Medardo Rosso, sculpteur majeur de l’entourage de Rodin.
ROVERETO - Le Musée d’art moderne et contemporain de Trento et Rovereto (Mart), en collaboration avec la Galleria Civica d’Arte Moderna e Contemporanea de Turin, présente une importante rétrospective de l’œuvre de Medardo Rosso (1858-1928). La manifestation est le fruit de quarante ans de recherches du plus influent spécialiste du sculpteur, Luciano Caramel – à qui l’on doit également le catalogue raisonné de l’artiste, publié prochainement chez Electa. Ce travail, à la fois titanesque et minutieux, était difficile tant le marché est inondé de répliques tardives, de surmoulages, de « faux vrais » et de « vrais faux ». Le commissaire a néanmoins pu réunir soixante-dix œuvres autographes de ce maître de la sculpture moderne. Turinois de naissance, Milanais de formation et Français d’adoption, Medardo Rosso a profondément marqué la sculpture de la fin du XIXe siècle et du début du XXe. « L’exposition entend montrer en Medardo Rosso un artiste profondément enraciné dans son époque qui, peut-être comme Cézanne en peinture, fut capable de dépasser l’art de son temps pour ouvrir de nouvelles voies, commente Luciano Caramel. [Il se trouve] en opposition, donc, avec une lecture que quelques-uns veulent aujourd’hui imposer d’un Rosso “contemporain”, en lui attribuant rétroactivement des objectifs et des méthodes improbables pour un artiste actif entre le XIXe et le XXe siècle et en négligeant les composantes essentielles de la poésie et du travail du sculpteur, inhérentes à son rôle de précurseur. »
L’exposition fait dialoguer les sculptures de Medardo avec quinze œuvres de différents artistes. Elle débute avec Giuseppe Grandi, père reconnu de la sculpture milanaise scapigliata (ébouriffée), dont l’influence sur le jeune Rosso est reconnue ; elle se poursuit par Auguste Rodin, avec lequel ses rapports n’était pas, quoi qu’on en dise, de dépendance : « Il est désormais certain que l’homme sur la gauche de Conversazione in giardino de Medardo est le modèle pour le Balzac de Rodin, renchérit le spécialiste. L’utilisation du fragment, comme le démontrent ici les sculptures “en morceaux” de l’un et de l’autre, n’est pas exclusivement du fait de Rodin, ce qui met en évidence leur participation au même climat. » Dans la même salle, la Tête de Fernande (1905) de Pablo Picasso et les œuvres d’Henri Matisse mettent en exergue les liens avec ces artistes. L’exposition comprend par ailleurs des pièces d’Umberto Boccioni, lequel reconnaît dans son Manifeste technique sur la sculpture futuriste, en 1912, sa dette envers Rosso. Pour finir, les premières œuvres de Brancusi permettent de situer l’œuvre de Rosso : « L’une de ses représentations d’Enfant est très proche de la sculpture de Rosso : c’est le seul moment où les deux artistes sont comparables, car par la suite Brancusi trace sa propre voie, qui n’a rien à voir avec celle de Medardo. »
Usage de la photographie
Sont également présentées des sculptures inspirées de l’antique, quelquefois retravaillées – une Tête de l’empereur Vitellio, prêtée par le Victoria & Albert Museum de Londres, dorée et poinçonnée par ses soins –, mais le cœur de l’exposition est composé d’œuvres qui ont rendu l’artiste célèbre : « Pour plusieurs pièces, explique Luciano Caramel, sont exposées différentes versions : en plâtre – qui, en certains cas, est la matrice pour la fusion –, en terre cuite, en bronze et en cire. »
Aux côtés des principaux sujets de Rosso, du Gavroche à La Portinaia en passant par La Rieuse, le Bookmaker et l’Ecce Puer, figurent de célèbres exemples provenant de musées et de collections privées, quelques pièces inédites et de nombreux moulages en cire et en bronze, souvent de qualité exceptionnelle, retrouvés au fil des ans par le commissaire et jamais exposés auparavant. Par ailleurs, la photographie a tenu une place importante dans l’œuvre de Rosso, comme le précise Caramel : « À partir d’un certain moment, Rosso s’y intéresse beaucoup, en stricte complémentarité avec la sculpture, objet et sujet exclusif de son rapport avec ce médium. » Le catalogue, publié chez Skira, comprend des textes de Carlo Bertelli, qui explore l’usage de la photographie par Medardo Rosso, et de Giovanni Lista, lequel étudie ses rapports avec le futurisme.
Cet ouvrage est le premier à offrir pour chaque œuvre exposée des notices mises à jour, compilées grâce aux résultats des recherches du commissaire mais aussi d’autres spécialistes – la dernière monographie importante sur Rosso datait de 1979. L’ensemble apporte des précisions inédites jusqu’à aujourd’hui.
Jusqu’au 22 août, MartRovereto, 43, corso Bettini, Rovereto, Italie, tél. 39 0464 438 887, tlj sauf lundi 10h-18h, 10h-21h le vendredi, www.mart.tn.it. Catalogue en italien édité par Skira, 35 euros, ISBN 8876240195. L’exposition sera ensuite présentée au GAM de Turin (9 sept.-28 nov.).
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°195 du 11 juin 2004, avec le titre suivant : À la gloire de Medardo