La vallée de la Creuse se rêve en côte normande ou en forêt de Barbizon, à l’image de ces foyers artistiques où les peintres de paysage ont installé leur chevalet pour peindre sur le motif.
Depuis vingt ans que Christophe Rameix travaille à la reconnaissance de la région, il a recensé plus de quatre cents peintres venus sur les bords encaissés de la rivière entre 1830 et 1930. À commencer par le maître lui-même, Claude Monet, venu quelques mois en 1889 à Fresselines, au confluent de la petite et grande Creuse, sur les conseils du critique d’art Gustave Geffroy. Sa première série intitulée La Creuse est largement ignorée. Comme l’ensemble de cette colonie d’artistes que le peintre Charles Donzel baptise « école de Crozant » au Salon de 1864. Ainsi l’exposition « Creuse, une vallée-atelier » réunit pour la première fois plus de deux cents œuvres peintes dans la région, œuvrant ainsi à la reconnaissance d’un foyer artistique oublié, avec un fort enjeu de valorisation culturelle de son territoire.
La première originalité de la manifestation réside dans ses quatre lieux d’exposition répartis entre les départements de l’Indre et de la Creuse que traverse la vallée. Chaque musée présente une période chronologique cohérente et indépendante. Ainsi au Musée-château d’Ars, non loin de Nohant, le fief de George Sand, se retrouvent les pionniers, tels que Théodore Rousseau ou Jules et Victor Dupré dans les années 1840. L’écrivaine, en figure tutélaire du Berry, loge les artistes et rebaptise le village de Gargilesse, sis au confluent de la Sédelle, de « Fontainebleau de quelques artistes bien avisés ». Les artistes académiques, dont les œuvres grand format sont exposées au Salon parisien, accrochées sur fond rouge dans la seconde salle du château, font alors la renommée de la vallée à la capitale. Sur leurs traces, les impressionnistes viennent capter les reflets de la lumière sur les roches granitiques, dans les torrents et les bruyères rose parme dont les couleurs éclatent sur les toiles réunies à Châteauroux. Maître des lieux, Armand Guillaumin s’installe dans les années 1890 à Crozant, minuscule village surplombant les ruines pittoresques de la forteresse du XIIe siècle. Il fédère autour de lui Paul Madeline, Albert Joseph et Eugène Alluaud.
N’en déplaise à George Sand, la vallée de la Creuse, contrairement à Barbizon, n’a toutefois pas fait émerger une école de peinture comme on peut le constater au Musée de Guéret. Adeptes du fauvisme, du pointillisme et même du cubisme s’y côtoient. Anders Osterlind quitte le groupe des Montmartrois pour peindre au couteau et à pâte épaisse la vallée encaissée. D’une première touche divisée et colorée dans les années 1890, Léon Detroy adopte les couleurs fauves vers 1910, un an après le passage de Picabia. En 1930, la construction du barrage d’Éguzon modifie définitivement le paysage. Le changement est perceptible sur les photographies de l’époque que présente l’exposition du Musée d’Éguzon, seconde originalité de la manifestation. Parfaitement incluse dans le parcours de visite, elle s’interroge sur la place de ce nouveau médium au sein des communautés de peintres en cette fin de XIXe siècle et sur le rôle de leurs auteurs, parmi lesquels le photographe pictorialiste Paul Burty-Haviland. La manifestation creusoise n’est qu’une préface à de vastes sujets de recherches.
« La Creuse, une vallée-atelier », jusqu’au 6 octobre 2013, musée de la vallée de la Creuse, parc de la Mairie, 2, rue de la Gare, Éguzon (36)www.museevalcreuse.fr
Musée-château d’Ars, Lourouer-Saint-Laurent, La Châtre (36)
Musée-hôtel Bertrand , 2 rue Descente-des-Cordeliers, Châteauroux (36)
Musée d’art et d’archéologie de Guéret, hôtel de la Sénatorerie, Guéret (23) www.valleedespeintres.com
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La Creuse un nouveau Barbizon ?
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°660 du 1 septembre 2013, avec le titre suivant : La Creuse un nouveau Barbizon ?