PARIS
Le Louvre recompose en partie l’extraordinaire collection du marquis, qui a enrichi une multitude de musées européens et français lors de sa dispersion en 1861.
Paris. Au Louvre, plus de 1 200 œuvres issues de sa collection sont exposées dans les salles, dont le Sarcophage des Époux et La Bataille de San Romano de Paolo Uccello. Au Petit Palais d’Avignon, 320 panneaux peints sélectionnés par cet Italien, parmi lesquels la Vierge à l’Enfant de Botticelli, constituent le noyau de la collection du musée. Dans la France entière, 4 695 de ses antiques sont déposés au sein de 90 musées. À l’Ermitage, ses marbres antiques participent de la renommée du musée de Saint-Pétersbourg. Au Victoria and Albert Museum, à Londres, 84 sculptures médiévales et Renaissance font l’admiration des visiteurs. Les chiffres de la collection du marquis Giampietro Campana (1809-1880) donnent le tournis : cet aristocrate italien aura constitué en l’espace d’une trentaine d’années la collection privée la plus importante d’Europe. À sa chute en 1857 pour malversations financières, rois et empereurs vont rivaliser d’efforts pour mettre la main sur des parties de cette fabuleuse collection.
Le Louvre, en partenariat avec le Musée de l’Ermitage, consacre une exposition hors norme à ce personnage ambigu et à sa collection extraordinaire, avec 500 œuvres venues de France, de Russie, du Royaume-Uni et d’Italie, pour la première fois réunies depuis la dispersion de ce fonds. L’ampleur du travail est illustrée par le commissariat de l’exposition, qui associe les compétences de pas moins de sept commissaires (antiquités grecques, étrusques et romaines, mais aussi sculptures, peintures, objets d’art) venus du Louvre, du Petit Palais d’Avignon et du Musée de l’Ermitage.« La collection Campana est un rêve d’Italie et un rêve pour nous, conservateurs, car si elle est connue au Louvre par la galerie qui porte son nom, elle n’est en réalité pas si bien connue dans toute son ampleur, entre antique et moderne », confie Françoise Gaultier, commissaire et directrice du département des Antiquités grecques, étrusques et romaines au Louvre.
Depuis 2015, le musée parisien a lancé un programme de recherche consacré à Campana, dont le catalogue de l’exposition, très complet, rend compte. « Les motivations d’un collectionneur ne sont jamais faciles à démêler et c’est d’autant plus vrai pour Campana, qui n’a guère laissé de texte expliquant sa démarche et a disparu en partie derrière sa collection »,écrivent les commissaires dans le catalogue. Campana, un archéologue fervent à l’heure où l’Italie cherche son unité et redécouvre ses racines dans les tombes étrusques de Cerveteri. Le « Rêve d’Italie » de Campana, pour reprendre le titre de l’exposition, consiste en l’édification d’une collection embrassant toute la production d’art de l’Italie. Partagées en douze « classes », selon la terminologie usitée alors, huit classes d’antiques (vases, bronzes, bijoux et monnaies, terres cuites, verres, peintures, sculptures et objets de curiosité) et quatre classes modernes (peintures avant 1500, peintures après 1500, majoliques et sculptures), la collection comme l’exposition égrènent chefs-d’œuvre et séries, dans une volonté encyclopédique proche de la boulimie.
La partie moderne, mal connue, étonne par sa richesse : 600 tableaux, aux attributions un peu trop généreuses à l’époque, mais qui dénotent encore aujourd’hui d’une grande qualité d’ensemble. Au rayon des sculptures également, des attributions hasardeuses, revues au cours du XXe siècle, mais un ensemble intelligent et cohérent.
En 1857, lorsque Campana est emprisonné dans les geôles vaticanes, le Vatican confisque sa collection et entend la vendre au plus offrant. Les « rêves d’Italie » des pays européens se font jour : le Royaume-Uni convoite les sculptures médiévales, la Russie les grands marbres antiques. La France emporte la majeure partie de la collection, Napoléon III étant un soutien essentiel des États pontificaux face aux poussées républicaines. Éparpillée, la collection Campana l’est une nouvelle fois en France, à travers une politique volontaire de dépôts dans les musées de province. Aujourd’hui encore, le travail de récolement se poursuit pour recenser cette inépuisable collection.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°511 du 16 novembre 2018, avec le titre suivant : La collection Campana à nouveau réunie