La chronique en images des années terribles

Dans les années 1970-1980, ses images sur la violence de Cosa Nostra en Sicile ont en effet contribué à briser le silence, voire pour certaines servi de pièces à conviction lors de procès. L’hommage que lui rend actuellement l’Institut culturel italien rassemble plus de quatre-vingt-dix photos de cette période. Cadavres encore chauds à bord d’une voiture, dans la rue ou dans un appartement, femmes en pleurs, funérailles, juges avec escorte, arrestations, prisons et procès : beaucoup de sang, de larmes, de colère et de courage dans ces images puissantes, au noir et blanc soutenu. Jour après jour, Letizia Battaglia a documenté ces années terribles en s’attachant au quotidien d’une ville ravagée par la pauvreté et la mafia. La jeune photo-journaliste qu’elle est alors pour le journal L’Ora « accepte sa peur » face aux menaces et vit « sa colère comme une volonté de justice ». Régulièrement, des photos de processions religieuses, de jeunes couples s’embrassant, de femmes, d’hommes ou d’enfants au travail s’intercalent, manière de rappeler que Letizia Battaglia ne fut pas que « la photographe antimafia » comme on la qualifia, mais aussi une chroniqueuse de son temps. L’écouter dans le documentaire projeté, c’est aussi entendre une femme qui lutta pour acquérir sa propre liberté et trouva dans la photographie le moyen de s’exprimer et de dénoncer.