Moulins rend hommage à un médecin et archéologue de la région qui a découvert une phase du Paléolithique.
Moulins (Allier). Construire à partir de pierres taillées, d’ossements d’animaux et d’une défense de mammouth une exposition tous publics sur un archéologue local était un pari que les commissaires, Emmanuelle Audry-Brunet et Raphaël Angevin, remportent largement. En écho à l’exposition consacrée l’an dernier par le Musée d’archéologie nationale (MAN, Saint-Germain-en-Laye) au préhistorien Gabriel de Mortillet (1821-1898), le Musée Anne-de-Beaujeu présente l’un des correspondants du savant, Guillaume Joseph Bailleau (1830-1909). Une centaine d’objets racontent les découvertes du médecin surnommé « docteur Silex » dans son fief de Pierrefitte-sur-Loire, non loin de Moulins. L’ancrage régional du personnage justifiait de le sortir de l’oubli, d’autant que la famille conserve encore des collections et documents. En outre, le musée a reçu en 2017 une donation de l’évêché de Moulins composée de plus de 2 000 artefacts et ossements qui lui ont appartenu. En 2019 enfin, les fouilles ont repris sous la direction de Raphaël Angevin sur le site que Bailleau a fait connaître, la grotte des Fées à Châtelperron. Les pièces que le médecin y a collectées au cours de ses prospections à partir de 1867 ont été à l’origine de la définition, dans les années 1950, d’une phase du Paléolithique dénommée le « Châtelperronien » – on peut admirer les couteaux ou pointes de Châtelperron en silex dont Bailleau pressentait l’importance et qu’il a offerts au MAN.
Grottes en carton-pâte
Les premières découvertes dans la grotte (trois cavités en réalité) ont eu lieu dans les années 1840 à l’occasion de la construction d’une voie de chemin de fer. La scénographie montre une voie ferrée qui part du bureau imaginaire du médecin-archéologue où est présenté son journal de fouilles et d’acquisitions, et longe trois grottes en carton-pâte propres à ravir les jeunes visiteurs. Des images de coupes stratigraphiques auxquelles ils peuvent associer différents objets susceptibles d’y être trouvés leur permettent de comprendre le travail de terrain. Ils découvrent aussi de manière ludique les grandes figures de la science préhistorique au XIXe siècle ou les joies de la recherche dans un « Muséolab ». Quant à la médiation, de très bon niveau, destinée aux adultes, elle présente les connaissances actuelles sur la préhistoire mais aussi la manière dont celle-ci s’est peu à peu définie en France au XIXe siècle.
Au-delà des objets laissés par ceux que l’on nommait alors les « premiers peuples de la Gaule », Joseph Bailleau collectionnait notamment des antiquités gallo-romaines. Il a permis au MAN d’acquérir le mobilier de la tombe de soldat romain découverte à Chassenard (Allier), dont l’institution prête une partie. L’excellent catalogue de l’exposition raconte une histoire qui va jusqu’aux fouilles récentes et, sous le titre Dans la grotte des Fées (éd. Bleu autour, 2023), l’édition scientifique par Raphaël Angevin du journal de Bailleau accompagné de sa correspondance avec Mortillet et d’autres archéologues offre une plongée passionnante dans le travail de cet érudit et homme de terrain, si représentatif de la France des sociétés savantes au XIXe siècle.
Jusqu’au 17 septembre, Musée Anne-de-Beaujeu, place du Colonel-Laussedat, 03000 Moulins.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°605 du 17 février 2023, avec le titre suivant : La bonne pioche du docteur Silex