À Paris, le Musée Marmottan Monet s’apprête à rendre grâce à un peintre célèbre mais oublié par une histoire de l’art qui ne parvenait pas à le classer entre impressionnisme et réalisme.
Sa postérité est l’histoire d’un malentendu. Pour ses compatriotes, cela ne fait pas de doute : Peder Severin Krøyer est un peintre impressionniste et même l’artiste danois le plus important de son temps. Les Français, qui l’ont pourtant tant aimé de son vivant, l’ont au contraire relégué dans la catégorie peu enviable des anciennes gloires académiques. Loin d’être une argutie de spécialistes, cette divergence d’appréciation est importante, car elle explique l’oubli dans lequel le peintre a sombré en dehors de son pays. Un oubli que répare le Musée Marmottan Monet ce printemps, en organisant sa première monographie en France.
Chantre des couleurs claires, des scènes de bonheur de la vie moderne et des paysages peints en plein air, Krøyer n’est cependant pas un impressionniste. Sa méthode de travail axée sur la multiplication des études, sa touche léchée et son aspiration aux grands formats l’inscrivent davantage dans la mouvance naturaliste, sans toutefois l’y réduire. Car ce cousin nordique de Bastien-Lepage et de Sorolla est en réalité un peintre inclassable qui a su faire la synthèse des courants les plus séduisants de son temps, puisant allègrement dans les thématiques naturalistes, les cadrages modernes de la photographie, mais aussi en succombant à la tentation symboliste mâtinée d’un vitalisme typiquement septentrional.
Parmi les nombreuses inspirations de Krøyer, la dimension nordique est en effet assurément celle qui le définit le mieux. Les références au Nord et à son atmosphère reviennent ainsi presque sans discontinuer tout au long de sa carrière. Bien qu’il se forme à Paris, dans l’atelier de Bonnat, et qu’il entreprenne un grand tour qui le conduit notamment en Italie, son port d’attache sera le Danemark. À partir de 1882, il partage ainsi son temps entre Copenhague, où il passe l’hiver produisant quantité de portraits de commande, et le village de pêcheurs de Skagen, où l’artiste pose son chevalet à la belle saison.
En l’espace de quelques années, cette contrée située aux confins septentrionaux du Danemark, là où la Baltique rencontre la mer du Nord, devient une colonie d’artistes très prisée. Les peintres plébiscitent la lumière franche et cristalline qui y règne et la fameuse heure bleue, un phénomène météorologique qui précède le crépuscule et donne à la lumière et aux couleurs une tonalité inédite et poétique. Enivré par cette lumière, Krøyer devient le meilleur ambassadeur de ce bout du monde dont il décrit toutes les facettes, des plus pittoresques aux plus contemplatives. Il se fait ainsi l’interprète des conditions de vie âpres des pêcheurs dans de grands formats qui suscitent l’admiration au Salon, mais aussi des scènes d’enfants s’égayant dans les flots, sans oublier les interminables plages jonchées de traces de pas s’effaçant inexorablement. Le tout nimbé de ce bleu caractéristique qui devient sa signature. Une couleur et une atmosphère qui illuminent enfin de nouveau les cimaises parisiennes.
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Krøyer ambassadeur de la lumière du Nord
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°742 du 1 mars 2021, avec le titre suivant : Krøyer ambassadeur de la lumière du Nord