La rétrospective de l’artiste néerlandais au Musée d’art moderne de la Ville de Paris met bien en évidence l’évolution de sa peinture.
PARIS - Barbouillée de bleu et de vert, les bras grands ouverts et les yeux écarquillés, la petite sculpture bricolée de l’époque du groupe CoBrA happe le visiteur à l’entrée de l’exposition. Le ton est donné : l’art est une fête. Il doit être jubilatoire. Karel Appel ? « C’est l’allégresse propre à l’enfant, mais que l’adulte ne peut ressusciter que dans l’art », souligne le sociologue Peter Berger caractérisant ainsi (Écrits sur Karel Appel, éd.Galilée, 1982) en quelques mots ce qui fait la force de cette peinture véhémente, sauvage, volcanique.
Bien que peu étoffée, l’exposition parvient à mettre en perspective l’ensemble de la carrière de l’artiste, dans un accrochage chronologique sobre allant des années CoBrA à sa mort en 2006. Les œuvres sont de qualité, à l’image des vingt-et-une peintures et sculptures de la donation de la Karel Appel Foundation, qui constituent l’épine dorsale de la présentation. S’y ajoutent des prêts du Stedelijk museum d’Amsterdam, du Musée CoBrA d’Amstelveen et du Musée Jorn de Silkeborg.
Un engagement total vécu comme un combat
Massif, trapu, les bras pendants, comme un cow-boy prêt à décocher ses pinceaux, le peintre moustachu se concentre avant de se jeter sur la toile. Diffusé sur un grand écran placé au milieu de l’exposition, l’extrait de film du réalisateur Jan Vrijman (La réalité de Karel Appel, 1961) témoigne du corps-à-corps de l’artiste avec la toile qu’il attaque, tour à tour, à l’aide de brosses, de spatules, avec ses doigts ou directement à l’aide de tubes de couleurs. « C’était un engagement total de sa personnalité psychique et physique. Le monde extérieur semblait exclu et aboli », se souvient le réalisateur dans le catalogue de l’exposition.
« À cette époque-là, ma peinture était une lutte. Je ne peignais pas, je frappais. Mon œuvre était une guerre, un combat, un corps en lutte acharnée avec la peinture », expliquait Karel Appel, en 1972, lors d’un entretien avec Alan Hanson (Appel paintings, Wildenstein Gallery, Londres 1975). Après deux décennies d’après-guerre particulièrement véhémentes, la fin des années 1960 marque un tournant dans sa carrière. La gestualité rageuse de l’artiste s’estompe, sa main se fait moins expressive. À la fin des années 1970, Appel s’adonne à des gestes plus posés comme en témoigne l’admirable Arbre n° 6 de 1979, harmonieuse symphonie de verts, de jaunes et de bleus pâles. Suivent ses grands polyptyques – beaucoup moins sereins – des années 1980 comme Avant la catastrophe (1985), où deux silhouettes humaines sépulcrales observent, hagardes, l’œil du cyclone se rapprocher d’elles.
La dernière salle réunit des peintures et sculptures des années 1990 à 2000, empreintes d’une fraîcheur juvénile. Comme ses Ânes chanteurs, en bois et papier mâché, riant à gorge déployée, abrités sous de petits parasols rouges, indifférents à la présence menaçante d’un avion qui glisse au-dessus d’eux.
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Karel Appel, du geste fougueux à la maturité
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Abonnez-vous dès 1 €Jusqu’au 20 août, Musée d’art moderne
de la Ville de Paris, 11, av. du Président Wilson, 75116 Paris.
Légende photo
Karel Appel, Animaux au-dessus du village, 1951, huile sur toile, 130 x 161 cm, Musée d'Art moderne de la Ville de Paris. © Photo : Fondation Karel Appel.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°477 du 14 avril 2017, avec le titre suivant : Karel Appel, du geste fougueux à la maturité