De la masse des documents que conserve la Fondation Joan Mitchell de New York, on peut voir au Museum Ludwig de Cologne deux portraits de l’artiste à cinquante ans de distance.
Le premier date de 1938, elle a 13 ans, et la montre en pleine démonstration de patin à glace. C’était là un sport qu’elle a longtemps pratiqué et dont il est difficile de ne pas tenir compte au regard de son travail artistique d’inscription de la surface. Son oeuvre abonde en lacis graphiques, notamment dans les premiers temps partagés de l’expressionnisme abstrait et d’une facture filée qui s’empresse à recouvrir le champ iconique dans une urgence quasiexistentielle. La seconde photo montre une artiste plus posée, qui vit à la campagne, à Vétheuil, entourée de ses chiens, dont la peinture est à l’écho de son quotidien, tour à tour embrasée, solaire et grave. Une peinture qui se décline volontiers sur de très grands formats, souvent polyptyques, qui témoignent de cette « pastorale furieuse » dont a parlé Robert Storr et qui procèdent d’un rapport au monde tout à la fois invasif et tendu. Rétrospective, l’exposition allemande offre à voir un large panorama d’une aventure de création qui s’est nourrie de rencontres et d’échanges avec tout un monde d’écrivains, de poètes et d’amis artistes, qu’il s’agisse de Frank O’Hara, Samuel Beckett, Franz Kline, Jean-Paul Riopelle – avec qui elle a vécu quelque vingt-cinq ans – ou de la compositrice Betsy Jolas. Si la peinture de Joan Mitchell procède d’une forme d’intimité, c’est qu’elle vivait le monde extérieur d’une manière très intense, retranscrivant sur sa toile les ressentis éprouvés. La mémoire y opère en vecteur essentiel, chargée qu’elle est de traduire la présence sensible et palpable de l’artiste face au monde, en plein coeur d’une nature qui s’offrait à elle comme un refuge, entre son jardin à portée de main et la Seine qui coule au lointain. « Ma peinture n’est pas une allégorie, disait Joan Mitchell, ce n’est pas une histoire. Elle est plutôt comme un poème. »
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Joan Mitchell, la peinture pour poème
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Abonnez-vous dès 1 €Museum Ludwig, Heinrich-Böll Platz, Cologne(Allemagne), www.museum-ludwig.de
Légende photo
Joan Mitchell, Cercando un Ago, 1957, huile sur toile, Joan Mitchell Foundation New York © Estate pf Joan Mitchell Foundation New York, Photo : Günter Köning
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°686 du 1 janvier 2016, avec le titre suivant : Joan Mitchell, la peinture pour poème