Ceux qui ont déjà vu une œuvre de James Turrell éprouvent généralement une grande difficulté pour décrire ce qu’ils ont ressenti. Au fil des multiples narrations, un point devient clair : l’expérience fut importante, voire essentielle pour eux.
Depuis 1967, James Turrell sculpte la lumière. L’ombre, les couleurs pures projetées sur le mur, les variations chromatiques du ciel constituent ses médiums privilégiés. Chaque pièce interroge notre capacité à nous laisser enchanter par des installations où les repères physiques s’estompent dans la pure sensation lumineuse. Le visiteur expérimente alors une spatialité sans chose, sans objet. De toute part, la couleur l’enveloppe, le pénètre et le consume. Notre ancrage dans la réalité sensible, si familière et rassurante, n’y résiste pas. Les expositions de cet artiste américain sont rares. Elles mobilisent de gros moyens de production et demandent également une longue et rigoureuse préparation. Cette rétrospective constitue donc un événement exceptionnel. Dès l’entrée, le visiteur est plongé dans la pénombre. Quelques instants sont nécessaires pour s’orienter dans cette relative obscurité. Devant, un cube blanc éblouissant se détache du mur (Shallow Space Construction, 1968). De près, celui-ci s’avère être la simple projection d’un hexagone irrégulier sur l’angle de deux murs. Plus loin, du dôme central ruisselle une lueur d’un bleu soutenu, puits de lumière aux frontières indéfinies (Ganzfeld). Dans une salle isolée, une ouverture du toit transforme le ciel en tableau mouvant (Skyspace – conçu initialement pour la Villa Panza en 1975). Ailleurs, dans le dédale savamment orchestré des salles, des œuvres réalisées avec des néons deviennent de purs espaces d’illusions. L’exposition se clôt par un ensemble de photographies et de documents relatant l’évolution de Roden Crater : ce projet pharaonique sur lequel James Turrell travaille depuis près de vingt ans. Volcan éteint de l’Arizona, Roden Crater se transforme lentement en site d’observation du soleil, des étoiles et de la qualité lumineuse du ciel. Ces maquettes des chambres souterraines orientées vers les solstices, ces plans de souterrains débouchant sur une constellation, laissent présager d’une création qui, une fois achevée, restera comme l’une des plus belles réussites artistiques de ce siècle.
VIENNE, MAK, jusqu’au 21 mars, cat. 230 p., 100 ill.
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James Turrell, sculpteur de lumière
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°504 du 1 mars 1999, avec le titre suivant : James Turrell, sculpteur de lumière