Pour Invader, la ville est devenue un jeu vidéo à échelle humaine avec ses "levels", ses "high scores" et parfois ses "game over". L’artiste incruste en effet ses œuvres en céramique dans les murs des villes. À l’occasion de son exposition à la galerie Magda Danysz, à Paris, Invader répond à nos questions.
Pourquoi cet intérêt pour les jeux vidéo des années 1970 ?
Sans doute pour des raisons générationnelles. Je fais partie de ceux qui ont grandi avec les premiers jeux vidéo et ordinateurs. Des jeux très inventifs, car leur faiblesse technologique devait être compensée conceptuellement : “Pong” (le plus minimal de tous), le “Casse Brique”, “Asteroïd”, “Tetris” ou “Pac Man” sont extraordinaires de simplicité et d’efficacité.
Pouvez-vous expliquer votre choix de la céramique comme matériau de base ?
La céramique et le pixel informatique fonctionnent de la même manière. D’autre part, la céramique est un matériau parfait pour les surfaces urbaines extérieures. C’est inaltérable et les couleurs ne se ternissent pas avec le temps, contrairement à la peinture par exemple. Au XVe siècle, le céramiste Domenico Ghirlandaio déclarait : “La vera pittura per l’eternita è il mosaico” (la vraie peinture éternelle est la mosaïque).
Que représente pour vous la figure du Space Invader ?
L’idée m’est venue d’envahir l’espace urbain en disséminant des créatures pixelisées. D’abord, son nom est tout de même assez fantastique : “Space Invader”, l’envahisseur d’espace ! Ensuite, les créatures du jeu sont très pixelisées, et donc faciles à reproduire en carrelage. Enfin, les Space Invaders ressemblent à des virus électroniques et, comme le hacker (pirate informatique), je propage des virus au sein d’un système.
Pourquoi réaliser la carte de chacune des villes envahies ?
Chaque Space Invader étant unique, il est important que j’en garde une trace. Je possède une carte personnelle de chacune de mes invasions, qui concernent en tout vingt-cinq villes. La première chose que je fais lorsque je “conquiers” une nouvelle ville, c’est de me procurer un plan. Cela me permet de donner une forme au travail qui va suivre. Lorsque j’en ai les moyens, je réalise une “carte d’invasion” imprimée à plusieurs milliers d’exemplaires que je distribue dans la ville touchée. Elle synthétise tout le processus. J’en suis à la dixième carte : L’Invasion de Perth, en Australie.
Comment avez-vous dépassé la difficulté de montrer dans cette exposition en galerie une œuvre qui, généralement, vit sur les murs de la ville ?
Je ne le vis pas comme un paradoxe. Les liens entre la galerie et mon travail in situ sont omniprésents. L’exposition contient une salle des cartes où l’on peut voir l’intégralité des cartes d’invasion. Y est également présentée une mise à jour de la carte d’invasion de Paris, où on trouve la position des 519 Space Invaders réalisés dans la capitale... et la dernière-née de ces petites créatures se trouve justement au coin de la galerie. J’ai aussi conçu une série de grandes mosaïques retraçant les thèmes des premiers jeux vidéo. En fait, la majorité de mes œuvres en céramique étant installée dans les rues du monde entier, une exposition en galerie est toujours pour moi l’occasion de créer des pièces plus complexes puisqu’elles sont automatiquement conservées et que leur mise en place ne pose aucune difficulté ! Quant aux amateurs, ils peuvent aussi parrainer un Space Invader. Dans ce cas, ils reçoivent le double (en version unique) d’un Space Invader posé dans la ville ainsi que sa fiche d’identité.
Votre exposition s’intitule ‘Game is not over’ ? En quoi la partie n’est-elle pas perdue ?
Parce que l’invasion continue...
Galerie Magda Danysz, 19 rue Émile-Durkheim, 75013 Paris, tél. 01 45 83 38 51, jusqu’au 21 juin. Et aussi le site de l’artiste : www.space-invaders.com
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°172 du 30 mai 2003, avec le titre suivant : Invader