Depuis les murs de New York jusqu’aux interventions monumentales d’aujourd’hui, une exposition du Grand Palais immersif raconte l’histoire de l’art urbain sous l’angle de ses rapports avec la technologie.
À la fin des années 1970, les premières expositions de graffiti dans les galeries new-yorkaises ouvraient un débat qui ne s’est jamais vraiment terminé. Était-il pertinent d’enfermer entre quatre murs blancs une forme d’expression tributaire du mouvement de la ville, jusque dans ses lieux et supports d’élection – métros ou terrains vagues ? Les œuvres d’atelier étaient-elles à même de rendre compte d’une expérience qui engage le corps et le plonge tout entier dans un grand bain d’adrénaline ? Comment faire sortir l’art urbain de la rue sans le dévoyer ? À ces questions, Internet est venu apporter une réponse en forme de pas de côté : désormais, les interventions des street artistes se contemplent surtout en ligne. Alors que la diffusion de l’art urbain sur les réseaux sociaux a largement favorisé son adoption par le grand public et stimulé la production d’œuvres monumentales, ses conquêtes sont venues s’encadrer aussi sec dans l’étroitesse de nos smartphones.D’où peut-être « l’effet waouh » qui saisit le visiteur de l’exposition « Loading » lorsqu’il pénètre dans la salle cathédrale du Grand Palais immersif (Paris). Sur les murs et au sol, une projection panoramique à 540° retrace en XXL l’histoire de l’art urbain sous l’angle de ses relations avec les technologies. Coproduite par le studio Atlas V et réalisée par Mehdi Mejri, c’est une boucle d’environ 30 minutes où se succèdent un florilège d’interventions in situ, des années 1970 à nos jours. Les métros peints que les photographes américains Henry Chalfant et Martha Cooper avaient figés dans le livre Subway art (1984) font à nouveau défiler les noms des writers. Les Messages to the Public de Keith Haring ou de John « Crash » Matos sur un panneau publicitaire de Time Square se raniment. Les raids du collectif berlinois 1UP ou ceux de Moses & Taps rappellent que le graffiti est une performance ; les interventions géantes d’Ella & Pitr ou encore du Franco-Tunisien El Seed, filmées depuis un drone, que l’art urbain se conjugue à toutes les échelles.
« Nous ne voulions pas tomber dans le documentaire, explique Christian Omodeo, commissaire de “Loading“ et scénariste de l’animation. On n’explique pas, on ne justifie pas, nous laissons les images parler d’elles-mêmes. » Portée par le design sonore de Roque Rivas, la projection tend en effet davantage vers le cinéma. Ce faisant, elle donne toute la mesure d’un art fait de prouesses physiques et spatiales. « Il était important de rendre compte de la monumentalité de l’art urbain », ajoute Christian Omodeo. Ainsi, au risque de sacrifier au grand spectacle l’approche scientifique (les œuvres qui ont servi à la réalisation du film ne sont pas toujours créditées), l’immersion s’écarte à la fois du modèle réducteur des expositions en galerie, faites d’œuvres d’atelier, et de celui, décontextualisant, de la contemplation en ligne. « L’immersion peut se prêter au côté antisystème de l’art urbain tout en s’adressant à un large public, conclut Christian Omodeo. Reste à voir comment les artistes urbains vont s’en emparer. »
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Immersion dans la grande épopée du graffiti
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°773 du 1 mars 2024, avec le titre suivant : Immersion dans la grande épopée du graffiti