VERSAILLES
La première grande rétrospective du peintre officiel du Roi Soleil est l’occasion de dresser en retour le portrait d’un artiste prisé et d’un homme d’affaires efficace.
Versailles. Il faudra se contenter de seulement quelques semaines d’ouverture pour découvrir la première grande rétrospective consacrée à Hyacinthe Rigaud (1659-1743). Sous le commissariat scientifique d’Ariane James-Sarrazin, spécialiste du peintre, l’exposition met en avant cent cinquante œuvres de ce portraitiste à la cour du Roi Soleil et son successeur dont l’œuvre (1 500 toiles) se résume trop souvent à son portrait de Louis XIV en costume de sacre.
Lauréat du premier prix de l’Académie royale de peinture et de sculpture, l’artiste renonce au traditionnel séjour à Rome pour se consacrer, sur les conseils de Charles Le Brun, à l’art du portrait, genre qu’il élève à sa plus haute expression.
Le parcours chrono-thématique de l’exposition s’attache d’abord à nous présenter l’homme, sa famille – à l’occasion notamment d’une belle cimaise consacrée à sa mère, qui réunit des études peintes par Rigaud et le buste qu’en tira Antoine Coysevox –, ses principaux contemporains et rivaux. Devenu un portraitiste couru, il installe son vaste atelier non loin de la place Vendôme.
Grâce à un fonctionnement d’atelier bien documenté, l’exposition montre le processus de fabrication du portrait chez Rigaud, qui apparaît comme un artiste rodé aux affaires. Seul le visage faisait l’objet de séances de pose avec le maître avant d’être intégré à une toile plus importante. Le client pouvait ensuite choisir, par souci d’économie, le principe de l’« habillement répété » ou, au contraire, montrer sa réussite par une œuvre démesurée. Le portrait fini était également dessiné et gravé par des collaborateurs du peintre afin d’en assurer la diffusion – et la publicité de Rigaud par la même occasion –, anticipant les potentielles demandes de copies sans que de nouvelles séances de poses ne soient nécessaires.
La suite du parcours est un répertoire de clients de plus en plus prestigieux, illustrant en miroir la progression sociale et la renommée grandissante du peintre jusqu’à son apogée : la réalisation des grands portraits royaux. Un cheminement soutenu par une somptueuse scénographie baroque signée Pier Luigi Pizzi et Massimo Pizzi Gasparon Contarini.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°568 du 28 mai 2021, avec le titre suivant : Hyacinthe Rigaud, un habile portraitiste