S’il fut plébiscité à la faveur de ses toiles historiques, son œuvre recèle des compositions qui, à l’huile ou à l’aquarelle, dénotent la polyvalence d’un talent déchiré entre somptuosité et intimité.
D'une confondante diversité, la production de François-Marius Granet récuse les étiquettes et les catégorisations. Ruinisme, védutisme, néoclassicisme ou historicisme dessinent des influences plurielles dont la collusion achoppe à signifier la singularité d’une peinture protéiforme. La faute, sans doute, à l’indépendance d’un homme qui, en dépit de ses compromis(sions) académiques, érigea en esthétique un principe romantique et éminemment moderne, au sens baudelairien du terme : le sentiment.
Miséricorde et ténébrisme
Aux éphèbes marmoréens, aux allégories mythologiques ou aux épopées napoléoniennes, Granet préfère les moines austères, les scènes saturniennes et les églises rigoristes. Du Cloître des Feuillants (1799) au Cloître des Chartreux (1829-1830), son œuvre peint est invariablement empli d’un recueillement dont seule la lumière cuivrée parvient à troubler le silence.
Aussi, lorsqu’il rompt avec l’Histoire anonyme, Granet représente Nostradamus et Savonarole. Lorsqu’il rend hommage à ses pairs, il figure Stella dans sa prison (1810) ou La Mort de Poussin (1833). Car le peintre, jeune orphelin et survivant d’une fratrie décimée par la mort, sait la précarité de la vie dans un monde auquel il saura donner le change par quelques machines sentencieuses.
Aquarelles et chatoiements
Tandis qu’une étonnante série de caricatures oscillant entre burlesque et dénonciation atteste un sens aigu du « tempérament » de Granet, les aquarelles constituent à l’évidence la part la plus lumineuse d’un génie taciturne. Confidentielles, elles dessinent une création parallèle, inédite et solaire.
Monuments, bateaux et oratoires deviennent ainsi les protagonistes discrets d’une Histoire naturelle où les ciels luminescents le disputent à des rivages opalescents. Tibre et Seine, Colisée et Louvre, Rome et Paris : un maelström de lavis irradie les motifs investigués avec une répétition obsédée. Il faudra attendre les gares de Monet ou les meules de Van Gogh pour retrouver telle frénésie sérielle.
Il ne s’agit plus d’une vue, mais bien d’une vision, apocalyptique et sereine. Sûre de son geste. Un geste débridé et maîtrisé, terrible et sublime. Et ne pense-t-on pas à Odilon Redon devant son Apparition qui, non datée, semble être la transcription picturale et fulgurante de l’inquiétante étrangeté… ?
Granet a été influencé par les peintres troubadours.
S’il fut formé à Paris par David, Granet doit moins à celui-ci qu’aux artistes dits « troubadours » et aux Nazaréens allemands, dont l’historicisme et la religiosité coïncidaient plus avec le tempérament « romantique » d’un artiste indifférent au purisme mythologique.
L’héritage aixois.
Longtemps figée dans la stabilité, la capitale de la Provence fut l’un des creusets de la Révolution, à l’image du déterminant « siège de Toulon ». Par ailleurs, les escarpements et panoramas aixois – que l’on songe à la célèbre montagne Saint-Victoire – séduisirent Granet comme Cézanne.
Le musée d’Aix-en-Provence prend le nom de Granet en 1949.
Inauguré en 1838, le musée aixois prend le nom de son légataire en 1949 à l’occasion du centenaire de la mort de l’artiste. Forte des deux mille œuvres cédées par l’artiste et des huit tableaux de Cézanne déposés en 1984, l’institution muséale joue, depuis, un rôle de premier plan sur la scène muséale française.
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Granet, un classique très romantique
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Abonnez-vous dès 1 €Informations pratiques. « Granet,
une vie pour la peinture » jusqu’au 2 novembre 2008. Musée Granet, place Saint-Jean-de-Malte, Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône). Ouvert tous les jours, sauf le lundi, de 12 h à 18 h. Tarifs : 3 à 5 €. www.museegranet-aixenprovence.fr.
Le musée Granet. Depuis sa réouverture en 2007, après travaux, et l’arrivée du nouveau conservateur, Bruno Ely, en janvier 2008, le musée continue de s’enrichir. Ses collections rassemblent aujourd’hui près de 600 numéros, peintures, sculptures et pièces d’archéologie, réunis par périodes, de la peinture hollandaise de Rembrandt à Giacometti en passant par Rubens puis, plus récemment, par l’école provençale. Le XIXe siècle de Granet et de Cézanne tient également une bonne place, porté haut par le Jupiter et Thétis d’Ingres, œuvre phare du musée.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°606 du 1 octobre 2008, avec le titre suivant : Granet, un classique très romantique