CAEN
Le Musée des beaux-arts de Caen prétend exposer les toiles « citadines » de Gérard Fromanger pour en fait célébrer son attrait pour la couleur.
Caen. Gérard Fromanger a souvent dit être un peintre inspiré par la rue, laquelle est entrée dans son atelier et dans ses tableaux lorsqu’il décida de mettre un terme à ses premiers « Nus gris ». Il se laissa submerger par « le souffle et la beauté » de la ville. C’est cette dimension citadine de son œuvre qui a donné envie à Emmanuelle Delapierre, directrice, conservatrice au Musée des beaux-arts de Caen et co-commissaire de cette exposition, de la programmer en écho à celle que le musée consacre aux « Villes ardentes » (qui s’attache à la représentation du travail entre 1870 et 1914).
Pour autant, on ne verra pas ici la fameuse série du « Boulevard des Italiens » (1971), que Gérard Fromanger réalise à partir des photos d’Elie Kagan. Cette trentaine de tableaux forme un ensemble indissociable, qu’il était impossible de réunir pour l’occasion. Manque également une des toiles de la série « Le peintre et le modèle », que la galerie Jeanne Bucher Jaeger avait prévu de présenter à la Fiac dans le cadre d’un solo show de l’artiste.
Une soixantaine d’œuvres sont cependant rassemblées dans un parcours qui, en dehors de ces impasses imposées, résulte de choix dont la cohérence n’est pas toujours évidente. S’il commence en effet par le début, avec Le Soleil inonde ma toile (1966 [voir ill.]), œuvre clé avec laquelle Fromanger s’émancipe du formalisme et pose le primat de la couleur, sa progression opère ensuite des détours inattendus. Après des toiles nettement inscrites dans l’espace urbain, comme le superbe diptyque Bastille-flux et Bastille (2007), la série cosmique du « Palais de la découverte » (1983), inspirée par l’art étrusque, conduit en effet dans une direction très différente. Il en est de même pour le monumental panorama de Bleu, paysage toscan, où Gérard Fromanger explore, à la façon d’un exercice de style, la peinture de genre.
L’exposition reprend alors le fil déjà maintes fois déroulé du rapport du peintre à la couleur et, en particulier, à la quadrichromie, déclinée dans plusieurs séries (utilisant sur la toile le bleu, le rouge, le jaune, et le noir, auxquels il ajoute le blanc). Mais elle ouvre aussi à l’expression d’un lyrisme et d’une sensualité peut-être moins immédiatement associée à son œuvre. Dans cette célébration de la vie – sensible également dans la série « La vie quotidienne, 30 instantanés », 1984 –, le peintre affirme, selon Emmanuelle Delapierre, « son refus de la pétrification » d’une société marchande, son besoin de ré-enchanter un monde qu’il n’a cessé d’observer et de vouloir englober dans son œuvre. Ce sont d’ailleurs plusieurs Peinture-Monde de la série « Le cœur fait ce qu’il veut » qui terminent, en beauté, ce parcours.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°554 du 30 octobre 2020, avec le titre suivant : Gérard Fromanger, la danse de la couleur