« Ce qu’il y a de plus profond en l’homme, c’est la peau… » L’exposition bâtie par le musée des Beaux-Arts de Valenciennes prétexte cette déclaration incisive et paradoxale de Paul Valéry pour organiser un parcours tout en frottements, en présences, en corps sensibles, en épaisseurs et en surfaces, en disparitions et affleurements. Et pour cause.
C’est de peau qu’il s’agit, de peau et de vivant, révélés par une trentaine d’artistes, parmi lesquels Louise Bourgeois, Valérie Belin, Jan Fabre, Jean Fautrier, Mona Hatoum, Robert Morris ou Bill Viola. Lorsque Valéry définit cette surface comme étant profonde, il l’associe à la chair qu’elle enrobe, aux mains qu’elle appelle et au corps qu’elle rend visible. Et comme lui, l’exposition ne se contente pas de parler d’enveloppe charnelle.
Le sujet est dangereusement souple et annexe un large pan de l’histoire de la représentation, augmenté d’une lecture organique de la surface de l’œuvre. Le parcours se resserre donc sur les propositions contemporaines interrogeant réellement les conditions complexes d’apparitions et de visibilité du corps humain. La peau, métaphore paradigmatique du vivant, se présente alors comme un outil rêvé. La peau est une surface, un support, susceptible d’accueillir les inscriptions du temps autant que celles fantasmées par la main de l’homme. Elle est la forme visible du corps en même temps qu’elle s’éprouve sur un mode sensible. Elle est aussi une interface recevant et s’ouvrant au monde.
Ainsi s’articulent les chapitres de l’exposition. Ils nous mènent d’un visage hybride photographié par Anthony Aziz et Sammy Cucher issu de la série Dystopia, dont les yeux aveugles et la bouche muette sont recouverts par l’épiderme, à un relief mural en caoutchouc de Louise Bourgeois, sorte de moulage de chair, vallonné de multiples mamelles rosées.
Sexe veiné en marbre par Barry Flanagan, vertigineuse collection de peaux découpées dans les magazines et les albums, alignant une troublante déclinaison de teintes, de pigments, de nuances par Patrick van Caeckenbergh, les peaux et les surfaces des œuvres se répondrent. « Un lien métaphorique s’esquisse ainsi entre deux enveloppes. La peau semble contenir la vie pour mieux la retenir : la surface de l’œuvre laisse affleurer une pensée pour mieux la faire surgir », expliquent les commissaires de l’exposition, signant un ambitieux programme qui engage en bout de piste à appréhender les toiles de Watteau, Rubens et Carpeaux issues de la collection du musée, offerts à une relecture « épidermique » par le biais des propositions contemporaines.
« La peau est ce qu’il y a de plus profond », musée des Beaux-Arts, bd Watteau, Valenciennes (59), tél. 03 27 22 57 20, jusqu’au 13 mars.
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À fleur de peau
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°576 du 1 janvier 2006, avec le titre suivant : À fleur de peau