De quelles contrées lointaines vient le roi mage Balthazar, à la peau noire ? Comment survivra Robinson Crusoé sur son île déserte ? Quelles aventures ferons-nous vivre à nos Indiens Playmobil ? L’exposition du Magasin des petits explorateurs nous replonge en terre d’enfance, où l’on se passionnait le cœur battant pour les explorations et les aventures de héros qui risquaient leur vie dans des mondes lointains.
Ces récits, ces images ont façonné notre regard sur l’autre. À travers quelque quatre cent trente objets destinés aux enfants (romans, récits de voyages, livres de géographie, illustrations, mais aussi costumes, publicités ou extraits de films), l’ethnologue Roger Boulay nous invite à nous interroger sur le discours qu’ils véhiculent, en particulier aux XIXe et XXe siècles. Car, souvent, derrière les merveilles de l’invitation au voyage, se cache l’horreur, celle des stéréotypes et de l’affirmation de la supériorité des Blancs sur les « sauvages » ou les « nègres » – qu’une publicité pour lessive promettait par exemple de pouvoir blanchir. Le parcours, chronologique, souligne l’évolution de notre regard aussi bien que la difficulté d’une rencontre véritable, puisqu’il faut attendre le film de Robert Flaherty Nanouk l’Esquimau, en 1922, interprété par les Inuits eux-mêmes, pour voir et entendre réellement ces « autres ». Mais, en descendant les marches de la mezzanine où les trésors de ce Magasin des petits explorateurs se déploient comme sur le pont d’un bateau, on ne peut s’empêcher de penser à ces embarcations qui traversent aujourd’hui la Méditerranée et déchirent l’Europe : un jour, peut-être, les générations futures jugeront notre rapport à ces passagers d’autres continents.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°715 du 1 septembre 2018, avec le titre suivant : Exaltants et tristes tropiques