PARIS
Le Musée du Petit Palais conserve l’une des plus belles et des plus complètes collections de gravures d’Albrecht Dürer (1471-1528), grande figure de la Renaissance allemande. Peintre célèbre, merveilleux dessinateur, théoricien fécond, Dürer est d’abord un formidable graveur, qui a élevé des techniques alors récentes – gravure sur bois et gravure sur cuivre – au niveau d’un art rarement égalé depuis. Étudiées pour l’occasion, plus de deux cents feuilles sont pour la première fois livrées au public dans leur totalité.
PARIS - C’est à un érudit du siècle dernier, Eugène Dutuit, que le Petit Palais doit cet ensemble, remarquable par la qualité et l’état de conservation de ses pièces. Exposés en trois parties, selon un parcours chronologique, les 102 cuivres et 122 bois traitent de sujets variés : thèmes religieux, mythologiques ou profanes, mais aussi portraits, représentations d’animaux, ou sujets de genre.
En premier lieu est évoquée la formation du jeune homme dans la tradition gothique (1490-1500), l’apprentissage chez son père orfèvre (auquel il doit probablement sa dextérité de graveur), ses premiers voyages aux Pays-Bas et surtout à Venise, où il découvre la Renaissance. Une production considérable marque le retour à Nuremberg. Diffusées, ses estampes le rendent célèbre dans toute l’Europe, notamment la suite de L’Apocalypse, vision fantastique d’une inquiétude millénariste.
Déjà curieux de tout, Dürer devient un érudit et, se mêlant aux humanistes, l’un des premiers dans son pays à prendre conscience de sa condition d’artiste. De signification complexe, les Quatre femmes nues, le Monstre marin ou Hercule témoignent de son expérience italienne par l’intérêt porté au nu.
Un art à son apogée
Dans un second temps (1500-1515), fructueux et dense, les apports ultramontains sont plus mûrement réfléchis. Les proportions des corps et la perspective, au centre de ses préoccupations, lui inspirent des planches telles Adam et ève, Apollon et Diane, Némésis ou encore le Grand Cheval. De retour d’un deuxième voyage en Italie, Dürer se montre préoccupé par la lumière. Les suites de la Vie de la Vierge et de la Grande Passion, par exemple, accusent ce clair-obscur marqué qui établit une atmosphère quasi luministe. Enfin, les célèbres Meisterstiche, chefs-d’œuvre de gravure, mettent un point d’orgue à cette période féconde.
La dernière phase (1515-1528) est la plus douloureuse. Au service de l’empereur Maximilien Ier, Dürer développe un style fleuri et décoratif, plutôt linéaire (la Vierge reine des anges). Puis, touché par les idées de Luther et de la Réforme, il se consacre aux sujets religieux fidèles aux écritures. Il conçoit alors une manière plus austère, rigoureuse et dépouillée, sensible dans la Vierge allaitant ou la Vierge à l’enfant au maillot.
À l’inverse des peintures, soumises aux exigences de commanditaires, les gravures de Dürer constituent l’expression d’une totale liberté. C’est un monde étrangement fascinant, souvent ésotérique, qui a aujourd’hui le mérite d’être accessible dans sa globalité.
ALBRECHT DÜRER. L’ŒUVRE GRAVÉ, COLLECTION DU MUSÉE DU PETIT PALAIS, Paris, Musée du Petit Palais, du 4 avril au 21 juillet, ouvert tous les jours, sauf le lundi, de 10h à 18h, nocturne le mercredi jusqu’à 21h. Catalogue 320 p., 295 F.
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Dürer en gravures
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°24 du 1 avril 1996, avec le titre suivant : Dürer en gravures